Mon road trip Domaines Barons de Rothschild à Bordeaux
Juliette Couderc
Directrice d’Exploitation
En poste depuis 2020
Rencontré par Gerda au Château
Château L’Evangile
Pomerol
Chapitre 1 : Château L’Evangile
La visite a commencé avec Jérôme Pons, le Chef de Culture. A l’extérieur, le vent glacial du nord, qui m’est familier, soufflait fort. J’adore ce vent qui n’est pas seulement bon pour la vigne mais aussi pour l’Homme (oui cela fait du bien !). Jérôme m’a expliqué les 22 hectares d’Evangile partagés en 6 parcelles. Cette mosaïque de différents micro-terroirs rend l’Evangile unique à Pomerol. Depuis le millésime 2018, l’Evangile est en conversion bio et tout est mis en œuvre pour favoriser les infrastructures agroécologiques : des arbres et plus de 2 kilomètres de haies ont été plantés, également sont nées des collaborations avec des spécialistes tels qu’une botaniste, un entomologiste afin de mieux comprendre les interactions au sein du vignoble.
C’est Charbel Abboud qui m’a ouvert les portes du chai. Arrivé en 2002 à l’Evangile comme ouvrier de chai polyvalent, il est aujourd’hui le maître de chai et est certainement un des maîtres de chai les plus passionnants de Pomerol. Charbel Abboud dit : « Pendant ces 20 ans je n’ai jamais connu un moment de « stand-by » à Evangile. Il y a une remise en question permanente. Nous faisons aujourd’hui de l’intraparcellaire, depuis 2019 une partie de l’élevage se fait en amphores et nous attendons la livraison de notre premier foudre de 25 hectolitres. L’impact du bois sur les derniers millésimes est un travail quotidien avec les évolutions que nous vivons à la vigne. C’est un souhait ici à l’Evangile. Le terroir doit s’exprimer à chaque moment en maintenant l’engagement de la qualité. »
Après la déclaration d’amour de Charbel Abboud, j’avais hâte de trouver Juliette Couderc, Directrice d’Exploitation depuis septembre 2020, autour d’un verre d’Evangile. Avant de savourer ce Pomerol exceptionnel, quelques échanges pour connaître davantage l’ Evangile.
Gerda : Parlez-nous de vous…
Juliette Couderc : Je suis d’abord tombée amoureuse des vignes et de la complexité de la viticulture. Je ne m’y destinais pas du tout en commençant mes études d’agronomie à Montpellier. Grâce à la rencontre avec des gens passionnés de cette branche, j’ai vite attrapé le virus de ce métier, qui est à la fois technique mais laisse place à une certaine sensibilité et intuition.
J’ai pu vinifier dans des régions différentes de France ainsi qu’au Chili et en Nouvelle Zélande. Je suis chez Domaines Barons de Rothschild (DBR) depuis 5 ans. Parmi ces 5 années j’ai eu la chance de travailler 3 ans en Chine à Long Dai, notre vignoble du Shandong. Je n’ai pas seulement ramené de très bons souvenirs, mais aussi une vision technique différente avec un terroir encore peu connu qui force n’importe quel agronome à se poser beaucoup de questions.
Après cette riche expérience de vignobles lointains, je peux vous dire que Pomerol est un endroit plus exotique que l’on peut croire !
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier
Juliette Couderc : Conserver l’identité de notre vin, son ADN, tout en s’adaptant aux changements qui s’opèrent. Il faut savoir garder l’histoire du domaine en suivant les évolutions de notre filière, rester dynamique en bougeant certaines lignes sans créer de fractures, apprendre à rester curieux et être ouvert d’esprit. Il est important de conserver cette ouverture avec nos voisins les plus proches. Mais également, avec les autres régions viticoles qui ont beaucoup à nous apprendre.
La vendange 2021
Gerda : Comment se sont passées vos vendanges?
Juliette Couderc : On aime décrire ce millésime comme un « enfant terrible ». Entre le gel et la pression mildiou, nous avons été plutôt sollicités au vignoble. Le millésime 2021 sera le premier certifié en agriculture biologique et cela demande un vrai changement technique mais également organisationnel. L’équipe a dû venir plusieurs fois traiter le weekend car la pression de mildiou a été intense sur la période de Mai à Juin. La véraison a ensuite été longue avec un début de mois d’Août vraiment froid. On était plutôt inquiets à ce moment-là. Heureusement, début Septembre, nous avons vu des journées sèches et chaudes pour soutenir la maturité et nous avons pu commencer les vendanges le 21 septembre. Nous avons fait beaucoup d’intra-parcellaire et nous sommes passés parfois 3 à 4 fois sur la même parcelle ! Notre philosophie est de mettre notre énergie dans la vigne pour gagner en précision pendant la vinification. Vinifier des îlots parcellaire plus petits permet de valoriser une identité de terroir, comme peuvent le faire les bourguignons. Toutes ces opérations nous ont permis d’amener nos raisins vers une belle maturité avec un fruit éclatant souligné par une jolie tension. Ce millésime sera atypique au vu des conditions climatiques, il va nous surprendre jusqu’au bout. Nous terminons quasiment les assemblages et sommes vraiment heureux du résultat avec un bel équilibre dans ce millésime.
La marque L’Evangile aujourd’hui et demain
G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?
Juliette Couderc : L’Evangile reflète la complexité et la diversité du terroir de Pomerol. Son ADN met en lumière la puissance et la densité du merlot sur nos argiles ainsi qu’une texture très soyeuse de nos tanins. La tension et la vivacité vont être apportées par nos cabernets francs plantés sur des sols de graves qui leur alloue une fraîcheur idéale. Ils vont garder la fraîcheur. On produit ainsi un vin complexe et équilibré. Certaines parcelles sur nos sols sablo-limoneux sont plutôt destinées à notre second vin. Néanmoins, elles se révèlent très intéressantes depuis ces derniers millésimes avec une densité et une identité propre pour compléter la panoplie.
G : Pourriez-vous me définir ce qu’est un vin exceptionnel ?
Juliette Couderc : Un vin exceptionnel doit être équilibré, il doit trouver une parfaite justesse entre le triptyque « densité, finesse et complexité ». Le vieillissement nous permettra de confirmer cette harmonie. Ce jeu d’équilibriste nous amène à une émotion particulière. Chaque dégustation nous procurera des émotions différentes, c’est ce qui fait la beauté de notre métier !
G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?
Juliette Couderc : 2021 est le premier millésime d’Evangile certifié en AB, même si nous sommes engagés dans cette direction depuis maintenant 10 ans, initiée par Jean-Pascal Vazart, l’ancien directeur. Cette validation de notre engagement est l’empreinte de la philosophie de la famille Rothschild. L’ensemble des domaines en France sont maintenant engagés dans cette démarche.
G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ?
Juliette Couderc : Nous travaillons sur plusieurs sujets et développer une vision plus agroécologique en fait partie. Cela demande une vision globale entre la définition même du terroir (interactions climat, sol, plante) mais également sur les structures faisant partie de son environnement (haies, enherbement etc.). Comprendre l’interaction de la vigne avec son écosystème pour essayer d’accompagner sa parfaite intégration. On demande ainsi de plus en plus de compétences techniques à nos équipes.
Le changement climatique est également une réalité de terrain. Nous connaissons maintenant de plus en plus de vagues de chaleur, sécheresse, gel etc… Les amplitudes intra et inter-millésimes sont accrues. Comment y faire face ? Les réponses sont multiples avec des leviers à court ou long terme : gérer la surface foliaire, l’enherbement pour piloter les dépenses en eau de la vigne, le choix sur le matériel végétal avec des réflexions sur nos encépagements, porte-greffes etc.
G : Où seront les plus gros changements dans l’avenir proche ?
Juliette Couderc : Dans la vigne, afin de maintenir des raisins de qualité avec des potentiels de garde pour faire un Grand Vin ! Pour cela, il faut avoir des équipes formées pour essayer de nouvelles techniques, revenir à d’autres etc. Bref, vaste sujet qui nous occupe bien toute l’année.
Le mot du Directeur International des Châteaux : Les Domaines Barons de Rothschild, Jean-Sébastien Philippe
Gerda : Quel positionnement souhaitez-vous pour vos vins ?
Jean-Sébastien Philippe : Notre ambition pour L’Evangile est de re-séduire les Grands Amateurs de Pomerol. Ses amateurs qui connaissent le fabuleux terroir de l’Evangile depuis longtemps mais qui nous ont perdu de vue à un moment. Ce vin est encore trop associé à la distribution de Lafite. Il faut parler de son grand terroir auprès des plus gros amateurs et connaisseurs aux Etats Unis, en Angleterre ou en France par exemple.
G : Quels sont vos priorités en développement commercial ?
Jean-Sébastien Philippe : C’est un vin très connu aux Etats-Unis notamment sur les côtes Ouest et Est. Il faut renouer la relation avec nos partenaires sur place afin qu’Evangile retrouve aussi sa place dans le Mid-West, au Texas et en Floride. L’Angleterre, le Japon, l’Europe sont aussi des marchés historiques importants pour l’Evangile sur lesquels nous investissons aussi pour récréer ce lien très fort.
Nous avons proposé à quelques partenaires négociants quelques vieux millésimes de L’Evangile avec un focus sur la distribution en Europe et aux Etats-Unis, notamment sur la restauration.
Au mois d’Octobre, nous allons célébrer les 40 ans d’un millésime de légende pour l’ensemble de nos propriétés. Nous allons les offrir à nos principaux partenaires de la Place de Bordeaux et Roland Coiffe & Associés sera parmi eux.
Site internet et Réseaux sociaux
Les vins dégustés
Château L’Evangile 2012 : 93% merlot, 7% cabernet franc
Beaux arômes de fruits rouges et floraux. En bouche, c’est crémeux, la puissance est présente mais à aucun moment lourd. Au contraire le vin est plein de délicatesse. Magnifique finale qui est apportée par le haut dans un équilibre parfait. Il a juste 10 ans et est encore dans sa jeunesse mais délicieux à savourer maintenant.
Château L’Evangile 2016 : 92% merlot, 8 % cabernet franc
Magnifique millésime d’Evangile qui est moins solaire que 2015…. Peut-être une des raisons ? Néanmoins, il a tout d’un Grand Pomerol. Il est crémeux, séveux, sapide et prend toute la bouche. Il a une finale impressionnante. Le vin va encore gagner en complexité avec le temps.
J’ai été gâtée à L’Evangile par la rencontre de 3 beaux personnages et par ces 2 magnifiques vins…… prochaine étape…… Rieussec !
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.