La Géo-Sensorialité
Stéphane Derenoncourt
Consultant Vigneron
Rencontré par Gerda
Stéphane Derenoncourt, avec la création de Derenoncourt Consultant incarne la nouvelle génération de conseillers viticoles et vinicoles. L’équipe s’occupe de nombreux Châteaux sur Bordeaux et en France, notamment Château Clos Fourtet, Pavie Macquin et encore La Gaffelière sur l’appellation Saint-Emilion Grand Cru Classé. Sur la rive gauche, l’équipe travaille avec Château Talbot, appellation Saint-Julien, ou bien Domaine de Chevalier et Château Smith Haut Lafitte sur l’appellation Pessac-Léognan.
Stéphane Derenoncourt : Les consultants sont importants pour les Châteaux, pas seulement pour leurs connaissances techniques mais aussi pour leur côté humain. Quand tu as le nez dans le guidon c’est important qu’il y ait quelqu’un qui t’ouvre le regard et qui te pose une question comme « que penses-tu de telle, ou telle façon de travailler ? ». C’est la vinification participative car tout seule on va plus vite mais ensemble on va plus loin !
La diversité de nos missions permet sans doute d’acquérir une expérience assez large. On apporte ainsi un regard extérieur, on met le doigt sur des détails qui nous sautent aux yeux mais surtout on échange beaucoup. Chaque consulting est aussi une aventure humaine.
Gerda : Parlez-nous de vous…
Stéphane Derenoncourt : Je suis un passionné du vin qui a pu faire de sa passion sa profession.
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés dans la pratique de votre métier ?
Stéphane Derenoncourt : Il y a 2 principaux défis auxquels nous sommes confrontés :
- Plan technique, il faut tenir compte des changements climatiques. Ces modifications doivent être intégrées et conduire à améliorer l’écosystème de chaque domaine. Nous avons pour cela créé un pôle environnement qui accompagne les domaines dans ce sens.
- Plan stylistique, les vins de Bordeaux doivent évoluer vers plus de buvabilité dans leur jeunesse. Bordeaux a du mal à se positionner dans le nouveau siècle sans trahir son identité à faire des vins qui peuvent vieillir. Le discours doit évoluer et les codes sont à revoir, il faut un récit plus actuel.
Le millésime 2021
Gerda : Quelles sont vos premières impressions du millésime 2021 à Bordeaux ?
Stéphane Derenoncourt : C’est un millésime laborieux en terme de viticulture. Les gens ne doivent pas s’attendre à des vins puissants. Les raisins étaient bons, et donc les vins seront bons pour la plupart d’entre eux : ils sont mûrs avec une structure plus légère et de la fraîcheur aromatique. Il faut l’assumer et bien communiquer sur ce millésime. Faire hommage aux courage des vignerons !
G : Peut-on parler d’un style Derenoncourt ?
Stéphane Derenoncourt : J’ai une approche géo-sensorielle. J’aime l’idée que les vins reflètent leur lieu de production et que le terroir soit mis en avant. Cela demande aussi une certaine précision sur le point de maturité des raisins, afin d’obtenir des vins mûrs et frais. Enfin, j’aime les extractions douces, qui maintiennent pour le palais le plaisir et la sensualité.
Le métier
Gerda : Dans combien de pays consultez-vous ? Il y a t-il une région à découvrir ?
Stéphane Derenoncourt : Nous consultons dans une quinzaine de pays. J’ai récemment redécouvert la Grèce. Ce pays possède une sélection de cépages autochtones qui se marient magnifiquement bien avec la gastronomie riche et délicieuse du pays.
G : Vous êtes consultant depuis 1999, quels sont les changements les plus importants dans votre métier ?
SD : La position du consultant a changé au fil du temps. Au début, le consultant a été mis en avant. Maintenant, tout cela est terminé, tant mieux ! Les années de la rente sont terminées. Aujourd’hui, l’incarnation du domaine est plus importante. La communication du vin ne se fait plus par les « sachants » mais par les messagers, les réseaux sociaux. C’est un changement dans la société.
G : Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?
SD : Nous mettons en place deux projets :
- Le développement d’un pôle environnement afin d’aider les producteurs à mieux connaître, comprendre et améliorer voire sublimer leur écosystème. C’est passionnant.
- La création d’un pôle distribution afin d’aider les producteurs à diagnostiquer leur distribution mais aussi les accompagner dans leur stratégie marketing et leur packaging. C’est difficile pour les propriétés d’être bons partout. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut être vigneron, vendeur, bon gestionnaire et bon communiquant : le temps manque souvent.
G : Comment les vignerons peuvent-ils se protéger contre le changement climatique ?
SD : Une bonne gestion du sol et un renforcement de l’écosystème par l’agroforesterie doivent être mis en place.
Le futur de Bordeaux
G : Quels sont les cépages du futurs à Bordeaux ?
Stéphane Derenoncourt : Il est trop tôt pour parler d’autres cépages à Bordeaux. Avant d’avoir peur du réchauffement climatique, il faut réfléchir différemment. D’abord, créons un écosystème plus apaisé au niveau du sol. Ensuite, faisons des courants d’air, de l’ombre … Il faut remettre de la vie dans son domaine et avoir du bon sens avant de parler de nouveaux cépages !
Gerda : Les Francs de Pieds, effet de mode ou réalité ?
SD : Il y a des résultats intéressants. Je le vois plutôt dans l’air du temps sur le plan médiatique. Les possibilités sont très limitées. Les seuls bons résultats sont sur les sols sableux où le phylloxera n’attaque pas.
G : Que pensez-vous de l’avenir du vin en biodynamie ?
SD : Tout ce qui ne va pas dans ce sens va disparaître ! Les enfants grandissent avec une éducation face au changement climatique et c’est une évidence pour eux. Il est suicidaire de commencer un projet viticole sans mettre l’engagement environnemental au centre. Si on veut continuer à produire des vins de rêve avec de la finesse et de la pureté il faut faire ce changement !
G : Que pensez-vous de la notation des vins ?
SD : C’est en plein bouleversement. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde de néo-prescripteurs, bloggeurs, sommeliers, youtubeur, et instagrameurs… La connaissance n’appartient plus aux « sachants ». Nous avons donné trop de place aux nouveaux arrivants qui ne connaissent pas le vin. Nous sommes dans un monde narcissique, multi-chamanique avec une banalisation extrême de la notation. Aujourd’hui, 90 points est une mauvaise note !
Est-ce que c’est vraiment possible de donner une note ? Est-ce que c’est possible de s’identifier à un goût ?
G : Pourriez-vous me décrire un vin exceptionnel ?
SD : C’est un vin singulier. Un vin qui procure de l’émotion, du plaisir parce qu’ il a quelque chose d’inimitable : le lieu de provenance ! Il est élégant, accessible, bien construit avec quelque chose d’intemporel. Il doit avoir un vieillissement lent et donc une grande garde. Le vin exceptionnel doit tenir sa promesse de voyager dans le temps !
G : Nous avons produit la trilogie à Bordeaux avec 2018, 2019, 2020. Quel est le millésime le plus grand pour vous ?
SD : Sans hésitation le millésime 2019 car il est grand sur les 2 rives.
G : Donnez moi un millésime de Bordeaux mémorable à vos yeux ?
SD : 2001 ! C’est un mal-aimé après le grand 2000. Le 2001 est splendide. Je l’adore car c’est un véritable millésime dans le classicisme !
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.