Noëmie Durantou
Vigneronne
En poste depuis 2016
Rencontré par Gerda au Château
Château L’Eglise-Clinet
Pomerol
Gerda : Parlez-nous de vous…
Noëmie Durantou : Je suis une jeune viticultrice passionnée par ce que j’entreprends. De formation, je suis ingénieure centralienne, mais j’ai aussi fait une école d’art dramatique. J’essaie de défendre les traditions chères à mon père et de manière générale à notre famille : le travail de ses mains et l’exigence. J’ai à cœur de travailler quotidiennement sur le terrain avec nos équipes, dans nos parcelles et nos chais. Comme mon père, j’ai besoin d’être en relation directe avec le produit à chaque étape, pour moi c’est essentiel à la compréhension et à la vente de nos vins.
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?
Noëmie Durantou : Faire six vins dans 4 chais différents demande une organisation optimale de notre petite équipe. Il faut prendre soin de tout le monde en flux tendu.
Nos six vins :
- Château L’Eglise-Clinet et La Petite-Eglise (Pomerol)
- Château Les Cruzelles et La Chenade (Lalande de Pomerol)
- Château Saintayme (Saint-Émilion Grand Cru)
- Château Montlandrie (Castillon – Côtes de Bordeaux Bordeaux)
La vendange 2021
Gerda : Comment se sont passées vos vendanges?
Olivier Gautrat (maître de chai depuis 20 ans) : Même si les vendanges étaient stressantes et fatigantes, elles se sont bien passées.
Noëmie Durantou : Le millésime en général demandait d’aller chercher nos limites en endurance. Nous n’avons pas été affecté par le gel grâce aux bougies et à nos 5 éoliennes réparties sur les trois propriétés, mais nous avons passé entre 10 et 15 nuits blanches d’allumage ! Nous avons vendangé L’Eglise-Clinet en 3 jours, alors que nous récoltons d’habitude durant au moins 1 semaine. Nous sommes contents du résultat.
La vigne, très fougueuse jusqu’à mi-août, a nécessité beaucoup de soins et de travail pour être maitrisée.
Le 2021 est un style de vin reposant, un peu comme une pièce de Satie ou de Debussy. Les vins ont un pH plus bas donc avec encore plus de fraîcheur et d’acidité, la marque de fabrique Denis Durantou. Nous cherchons la concentration des meilleurs arômes, mais nos vins sont délicats et floraux. Ce n’est pas un millésime exubérant.
La marque L’Eglise-Clinet aujourd’hui et demain
Gerda : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ?
Noëmie Durantou : Tous nos vins sont le fruit des jardins créés et aménagés par mon père, Denis Durantou. Ils ont tous leur singularité. Nos propriétés sont de très beaux et uniques jardins familiaux, que nous pouvons arpenter à pied. Nous travaillons donc comme des jardiniers intimement liés à la terre. Nous sommes de petits propriétaires farouchement indépendants et attachés à ces jardins que nous préservons.
Nos marques sont aussi étroitement associées à l’Art, qui est une passion familiale. Vous pouvez notamment admirer chaque année en primeur les tableaux et les dropstops de ma mère, Marie Reilhac, artiste-peintre.
G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?
ND : J’essaie de vous répondre avec objectivité. Nos vins sont attachés à une histoire, un terroir et une famille, qui sont par définition uniques. Ils ont de la vivacité, de la fraîcheur, mêlé à une profondeur tannique et une densité complexe. Nous cherchons à retrouver les raisins que nous avons croqués dans le verre.
OG : Nos vins ont beaucoup de pureté de fruit. Ils sont complexes et agréables. Rien n’est masqué. Nous vendangeons tôt pour préserver la fraîcheur et le fruit : le vin est une boisson qui se partage et nous tenons à créer avant tout un produit de convivialité !
G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ?
ND : Nous sommes toujours en mouvement. Notre travail n’a pas de fin. Actuellement j’ai un projet de replantation de parcelles de La Petite Église, au Nord de l’appellation Pomerol. Je vais y planter des merlots issus d’une sélection massale de L’Eglise-Clinet.
Nous allons aussi contruire un bâtiment pour engins viticoles avec des panneaux photovoltaïques de toiture. Je souhaite aller vers des flottes de véhicules électriques et une autonomie en énergie propre. Nous devons anticiper le futur en restant ancrés dans le monde d’aujourd’hui.
Ma sœur cadette Constance travaille avec passion sur les magnifiques projets des oliviers et des chênes truffiers de Montlandrie, pour lesquels nous avons beaucoup d’ambitions.
Il y a encore d’autres surprises à venir, dont nous aurons sans doute l’occasion de vous reparler !
G : Où en est(sont) votre(s) propriété(s) en matière de « transition écologique » ?
DS : Nos propriétés sont certifiées HVE3. Notre père a toujours été un planteur d’arbres, il a paysagé l’ensemble des propriétés. C’est plus délicat ici à Pomerol, l’espace est limité, mais à Castillon-la-Bataille c’est plus facile. Mon père n’a jamais planté des vignes là où elles n’avaient pas leur place, c’est du bon sens. Avant que la culture de la vigne ne prenne l’ampleur qu’on lui connait dans le bordelais, certains terrains étaient destinés au pâturage. Les fermes ont disparu mais le sol n’a pas changé. A Montlandrie nous avons des ruches, des arbres fruitiers et des oliviers, le tout en association avec les vignes.
Cette année j’ai fait le choix d’engager un responsable QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité, Environnement) pour approfondir la transition écologique et l’engagement des propriétés sur les questions environnementales au sens large. Nous sommes actuellement engagés dans une démarche RSE avec le label Ecovadis, qui est plus familier des grands groupes industriels et d’artisanat. Le monde viticole tarde à prendre ses responsabilités à ce niveau-là et il est pour moi primordial de se tourner vers une réduction de l’ensemble de nos impacts pour assurer une durabilité de notre filière.
Le commerce
Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?
Noëmie Durantou : Nous avons une grosse clientèle au Royaume Uni. Les marchands anglais sont brillants et talentueux. Mais nous continuons de travailler sur l’ouverture des autres marchés. L’Eglise Clinet est une marque iconique qu’il faut promouvoir davantage chez les connaisseurs de vin du monde entier.
Toutes nos autres marques font de grands vins de garde à des prix abordables. Ils sont bien distribués en Angleterre et en Europe. Nous recherchons toujours plus de diversité dans nos marchés en Asie et aux Etats-Unis par exemple.
De manière générale, nous souhaitons poursuivre et développer des collaborations de confiance et ciblées, spécifiques.
G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?
ND : Notre site internet, www.denis-durantou.com, présente uniquement des images. C’est une première invitation à la curiosité sur nos vins et sur l’endroit où ils sont faits. Le discours publicitaire n’est pas trop mon truc.
Je suis prête à voyager quand mon emploi du temps me le permet, mais pour des moments privilégiés, bien choisis et pour parler de nos vins.
Ma sœur Constance vit une partie de l’année à Londres et elle a déjà animé des manifestations sur place. Elle a une excellente connaissance des distributeurs anglais, entre autres.
G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? et pourquoi ?
Olivier Gautrat : Le 2013 ! Il n’y a pas très longtemps nous avons fait une dégustation verticale et ce millésime n’est vraiment pas en dessous des autres. Il a beaucoup de fruit et de la fraîcheur. Il est élégant, a une belle structure en bouche et une bonne concentration. C’est une belle réussite chez nous !
Noëmie Durantou : Et il faut continuer à s’intéresser aux millésimes 2017 et 2018 ! 2017 est un de mes millésimes favoris, et il ne cesse de se révéler.
G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?
ND : Non, nous vendons chaque année autour de 98% de notre récolte en Primeurs. Il y a quelques millésimes dont nous n’avons malheureusement plus une seule bouteille, et à présent nous essayons surtout de constituer une œnothèque qui sert aux dégustations de travail de l’équipe.
Les vins dégustés
Noémie m’a gâtée avec une très belle dégustation. J’ai eu un petit frisson de retrouver l’âme de son père Denis Durantou dans chaque verre. Il peut être fière car Noémie, sa famille et leur équipe continuent le magnifique travail de leur père sur le terroir exceptionnel de Pomerol et de leurs autres Domaines. Comme ma grande amie Japonaise Atsuko m’a dit lorsque mon père est décédé : « on meurt 2 fois dans la vie. Une fois physiquement et une fois quand personne ne pense plus à toi ». Grâce à Noémie, ses sœurs et leur équipe, Denis vivra pour toujours !
Château Saintayme 2017, Saint-Emilion Grand Cru : 100% merlot
Des arômes croquants de fruits rouges. Le vin est fin avec une jolie minéralité au milieu de la bouche et qui porte le vin vers une finale avec une bonne fraîcheur. C’est délicieux et comme Noémie a dit très justement, il ne faut pas oublier ce millésime !
Château La Chenade 2019, Lalande de Pomerol : 80% merlot, 20% cabernet franc
Beaux arômes de fruits noirs, en bouche le vin prend de l’ampleur, bien structuré avec une belle final. Une valeur sure !
Château Les Cruzelles 2018, Lalande de Pomerol : 80% merlot, 20% cabernet franc
On peut voir les vignes de Les Cruzelles de la porte arrière d’Eglise Clinet. Elles sont seulement à 1 km. On peut déguster dans ce sexy, opulent 2018 le terroir, il est très beau. Le vin est équilibré, raffiné mais dans un style plus en avant. Les tannins sont enrobés, milieu de bouche soyeux et une final longue. Bravo !
Château Montlandrie 2017, Côtes de Castillon : 75% merlot, 20% cabernet franc, 5% cabernet sauvignon
C’est une de mes appellations préférées à Bordeaux car je suis une grande fan des vins frais avec de la minéralité. Le vin est raffiné. Il a un équilibre parfait, il est dentelé avec une bonne complexité. Très bien !
La Petite Eglise 2019, Pomerol : 80% merlot, 20% cabernet franc
C’est un Grand 2ème vin. Il est profond et complexe. On trouve un petit peu de reglisse mais aussi du cassis. C’est une belle cohérence de saveurs.
Château Eglise Clinet 2019, Pomerol : 90% merlot, 10% cabernet franc
Il n’y a pas de doute ce vin est parmi les plus beaux vins du monde ! Il est complexe, il a une densité magnifique en milieu de bouche et une finale qui revient dans différentes strates et qui pousse le vin vers une longueur incroyable ! Il a tout et va se livrer encore plus pendant les années…. ! C’est de l’Art vivant avec un Grand A qui reflète l’esprit de la famille Durantou !
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.