Thibault Despagne
Vigneron
En poste depuis 1999, 1er Janvier
Rencontré par Gerda au Château
Château Mont Pérat
Côtes de Bordeaux
Gerda : Parlez-nous de vous…
Thibault Despagne : Je suis issu d’une famille de vignerons, je suis un homme profondément enraciné au cœur de l’Entre-deux-Mers. C’est une région extraordinaire que j’aime énormément. J’habite à Mont Pérat depuis 22 ans et c’est là que je partage mon amour du vin et de la gastronomie avec nos convives.
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?
Thibault Despagne : Mon principal défi est de faire des grands vins et de faire connaître notre savoir-faire : que dans le monde entier nos bouteilles soient appréciées et qu’elles procurent du plaisir. C’est un vrai défi, car la région l’Entre-deux-Mers, n’est pas réputée pour les grands vins. Nous croyons fortement en son potentiel et par ses terroirs uniques. Nos vins sont différents par rapport aux autres appellations plus connues de Bordeaux.
Certes, les vignobles Despagne portent mon nom, mais la valorisation de ses magnifiques terroirs est le fruit du travail d’une équipe qui, chaque jour, s’implique pour faire rayonner nos vins et enchanter les palais partout dans le monde. Je suis entouré de personnes amoureuses de cette terre de l’Entre-deux-Mers.
Extrait de « Les gouttes de Dieu », célèbre manga japonais.
Dans le manga Les Gouttes de Dieu, le Mont Pérat 2001 est comparé à un concert de Queen.
Les vendanges
Gerda : Pourriez-vous me donner un souvenir des vendanges 2021 ?
Thibault Despagne : Le millésime 2021 a été comme un film Hollywoodien qui a bien fini. Il a fallu travailler dur, ne rien lâcher, même les week-ends et les jours fériés. Le challenge a été énorme, la météo était capricieuse, il a fallu donner le meilleur de nous-même sans arrêts. L’équipe était épuisée, mais le beau temps est arrivé et cela a sauvé le millésime. Nous sommes fiers de ce millésime et il a été bien accepté par nos clients. Malheureusement, les quantités produites ont été faibles.
Gerda : Vos premières impressions sur le millésime 2022 ?
Thibault Despagne : Le millésime 2022 est une grande réjouissance avec de très bons vins et de beaux volumes. Les blancs et rouges s’annoncent spectaculaires. Nous sommes très optimistes pour ce millésime !
La marque Mont Pérat aujourd’hui et demain
Gerda : Quel positionnement souhaitez-vous pour Mont Pérat ?
Thibault Despagne : Être assimilé à la distribution des Grands Crus sans être un vin spéculatif. Notre prix est stable, nous sommes une famille sans impératif spéculatif, nous voulons que la marque évolue dans un climat de confiance. Que nos distributeurs puissent installer Mont Pérat sur des cartes de restaurant avec une vision à long terme ! Notre but est que Mont Pérat soit acheté chaque année et qu’il procure du plaisir.
Mont-Pérat est un vin de Côtes de Bordeaux. Ce n’est pas un terroir réputé, mais la propriété est magnifique, le terroir a une exposition exceptionnelle avec des vallons. Nous sommes tombés amoureux de ce lieu en 1998. Le potentiel de la propriété tient à plusieurs facteurs d’une part son altitude, et d’autre part sa géographie : un plateau à 114 mètres d’altitude avec 4 collines et un patchwork de différents types de sol. C’est un endroit fascinant pour faire du vin. Tout a été replanté en 6000 pieds par hectare. Les 100 hectares de Mont Pérat ont complètement été restructurés. Le matériel végétal est maintenant d’une excellente qualité. Nous croyons dans la viticulture de précision car faire du bon vin à Bordeaux passe surtout par un travail minutieux à la vigne : taille, pliage, effeuillage, vendange en vert… Il faut savoir où nous allons tout au long de la croissance de la vigne et ce que nous souhaitons obtenir ! Nous sommes passionnés et avons une vision à long terme. Notre but est d’amener nos consommateurs avec nous dans cette merveilleuse aventure qui est, de faire un grand vin dans un terroir unique mais pas dans une grande appellation.
G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?
TD : Le terroir de Mont Pérat parle dans le verre et rend reconnaissable nos vins : il a une diversité phénoménale avec, à la fois des parcelles de graves profondes et des parcelles argilo-calcaires. Nos vins sont fins, délicats, complexes et longs en bouche. Ce ne sont pas des vins puissants, mais ils ont une grande buvabilité.
G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?
TD : Je ne suis pas seulement fière de notre réalisation à Mont Pérat, nous avons aussi mené à Naujan, non loin de Mont Pérat, un autre projet d’envergure et de longue haleine depuis 1998. Sur un très beau terroir que nous avons choisi, nous avons planté une parcelle en 10 000 pieds par hectare. Aujourd’hui, la propriété compte 27 hectares, tous certifiés en bio. Nous mettons tout en œuvre pour faire exprimer ce magnifique terroir d’une qualité unique à la fois argileux et calcaire et permettant aux vins de la droiture et des pH bas. Quand nous avons pensé à ce projet, notre volonté était de faire exprimer le terroir Girolate, « le grand cru de l’Entre-deux-Mers». Nous réalisons un travail de précision en ne laissant rien au hasard et en accompagnant sans relâche la vigne. Nous faisons les vendanges à la main, nous effectuons un tri minutieux nous utilisons uniquement de la levure indigène pour nos fermentations. Notre ambition est que ce vin soit servi sur les plus belles tables et qu’il se trouve chez les plus beaux cavistes dans le monde. Ce vignoble est l’avenir de la famille Despagne et il est le reflet de notre philosophie : faire des Grands Vins dans l’Entre-deux-Mers !
G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ?
TD : Nous sommes en train de planter pour Girolate, 5,75 hectares à Naujan qui sera divisés en 6 parcelles.
Nous sommes aussi en train de moderniser notre site internet en intégrant davantage de vidéos afin de mieux partager nos pratiques et notre savoir-faire.
G : Où en est(sont) votre(s) propriété(s) en matière de « transition écologique » ?
TD : Nous avons une vision à long terme et la préservation de nos terres est notre préoccupation. Nous avons une approche globale sur les 300 Hectares que nous travaillons. J’ai toujours fait de l’agroforesterie sans le savoir ! Nous avons planté des arbres afin de favoriser la biodiversité sur les vignobles en préservant notamment les haies. Je me décris comme un planteur d’arbres, un livre de Jean Giono m’avait profondément ému, il disait : chacun peut changer des choses même à son petit niveau. En 20 ans, nous avons planté plus de 5 000 arbres sur nos propriétés et c’est fou de voir à quelle vitesse la nature change. Cela me rend vraiment très heureux et pour faire du bon vin le vigneron doit être heureux !
La viticulture est une agriculture productive et nous pouvons aussi apporter des solutions concrètes, par nos initiatives individuelles, aux défis posés par le dérèglement climatique, notamment en favorisant la captation du carbone dans nos propriétés. Nous avons une politique de préservation de nos sols en mettant en place un programme de gestion adaptée des terres et nous favorisons de la sorte, à notre niveau, la captation du carbone atmosphérique. Nous évitons de laisser les sols nus en favorisant les couverts permanents et les bandes enherbées pour éviter l’érosion, nous évitons les labours et nous favorisons la fertilisation organique. L’agroécologie nous guide dans la conduite de nos vignobles et, depuis 2019, Girolate est certifié bio. Nous sommes dans une démarche continue d’améliorer nos pratiques et de chercher le meilleur pour nos vignes. Nous avons été le premier vignoble certifié en ISO 14001.
Le commerce
Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?
Thibault Despagne : Nous avons beaucoup de chance que le commerce de nos vins fonctionne bien. Mais rien n’est acquis et la vie est un combat quotidien. Aujourd’hui, notre objectif est la grande gastronomie française, étoilée ou pas. Nous avons une grande admiration pour les Grands Chefs. Nous aimons tous cuisiner et ma sœur, Basaline (co-propriétaire et directrice des Vignobles Despagne), est une grande cuisinière. Elle adore cuisiner pour nos clients. Elle a fait une fois plus de 400 amuse-bouches lors d’une grande réception chez notre importateur aux Pays-Bas.
G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?
TD : Nous sommes en train de refaire toute notre communication : site internet… Nous sommes des aventuriers et libres penseurs et notre communication doit le refléter.
Nous recevons beaucoup d’importateurs et leurs clients à la propriété. Ma sœur cuisine toujours et se donne à fond pour trouver l’accord parfait mets et vins. Nous aimons partager notre quotidien. Nous travaillons de nos mains et apprécions cela, c’est notre art de vivre, nous aimons l’authenticité et notre culture.
J’ai beaucoup voyagé dans le monde pour créer des liens proches avec nos clients. 95 % d’entre eux achètent le nouveau millésime sans demander d’échantillons. C’est un signe de confiance, le résultat d’un investissement total. Nous avons vraiment des clients exceptionnels avec lesquels nous partageons nos valeurs de curiosité, de bienveillance, d’empathie et de générosité.
G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? et pourquoi ?
TD : Notre climat a tellement changé, le petit millésime n’existe plus à Bordeaux. Néanmoins, j’aimerais citer un millésime avant 2013, c’est le 1999. J’ai souvent été au Japon et lors d’un dîner avec des vignerons de Côtes du Rhône et de Bourgogne nous avions ouvert 2 bouteilles de ce millésime. J’étais très inquiet car « on ne sait jamais ». Mais le vin était sensationnel et j’étais très fier autour de ces grands vignerons des plus belles appellations de France !
G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?
TD : Non, nous vendons uniquement en Primeur et faisons des offres sur demande.
G : Avez-vous des stocks que nos clients pourraient travailler ?
TD : Mont Pérat 2014 et 2017.
Site Internet et Instagram
La bouteille de cœur de Thibault Despagne
Gerda : Si vous aviez une seule bouteille de cœur ?
Thibault Despagne : Girolate 2001 (vignoble acquit en 1999 sur le lieu-dit Girolate : 22 hectares de vignes sur un plateau d’argilo-calcaire, 10 000 pieds par hectare et 100% merlot). C’est le premier millésime de Girolate. Il a gagné la première place dans la catégorie 100 % merlot par le Grand Jury Européen à l’aveugle pour le cercle Rive Droite. J’ai fait ce millésime avec un copain qui est un grand sportif de haut niveau. Au chai, nous étions tous les deux extrêmement concentrés sur l’élaboration de ce vin. On retrouve dans le vin Girolate 2001, toute notre énergie ! Ce copain a un don pour la dégustation, c’est un vrai génie. Nous étions des pionniers pour faire la vinification en barrique. C’était hyper excitant car la différence se trouve dans les détails. Vinifier à 100% dans des barriques était une nouveauté à l’époque. Même le propriétaire de Harlan Estate est venu nous voir pour mieux connaître ce type de vinification.
Les sommeliers adorent notre démarche : nous sommes des vrais vignerons, des gens de terroir. Nos vins sont faits par des libres-penseurs pour des libres-penseurs !
Nous ne sommes pas sur la rive droite ni sur la rive gauche, nous sommes entre les deux. À nous de trouver notre propre identité et notre propre style. Mais il faut être patient, cela prend du temps car, d’abord, il faut construire le vignoble, être très précis dans tous les détails et ensuite, on peut être complètement obnubilé par son vin. C’est un travail de longue haleine, une exigence du quotidien ! Comme Pierre Lurton a dit : « le plus dur pour les Grands Vins, c’est les 200 premières années. »
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.