Jean Triaud
Co-gérant
En poste depuis 2005
Rencontré par Gerda au Château
Château Saint-Pierre
4ème Grand Cru Classé en 1855
Saint-Julien
Gerda : Parlez-nous de vous…
Jean Triaud : Je suis quelqu’un de spontané qui a le sens des responsabilités. C’est mon grand-père, Henri Martin, qui a fondé cette entreprise : Domaines Henri Martin regroupant Château Gloria et Château Saint-Pierre. J’adore l’univers du vin qui est riche en histoire, comme notre famille. Je me sens chanceux par le beau travail que ma famille a accompli. Ma génération est la 3ème au Château, elle a le devoir de pérenniser et de développer tout ce que mon grand-père et mon père, Jean-Louis Triaud, ont fait pour nous. C’est maintenant à moi d’apporter ma pierre à l’édifice.
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?
Jean Triaud : Le fil rouge est d’être à la hauteur de la génération précédente : je pense à mon grand-père, une grande figure du Médoc, un des fondateurs de la Commanderie du Bontemps, mais aussi à mon père, un homme charismatique, reconnu dans le monde du foot (Jean-Louis Triaud a été Président du club de foot Les Girondins du 1996 à 2017). Je dois pérenniser l’image qu’ils ont donné au Château Saint-Pierre et au Château Gloria en l’adaptant à notre époque qui a certainement beaucoup évolué, notamment avec les réseaux sociaux. Nous devons garder nos consommateurs historiques mais aussi essayer de toucher une génération plus jeune.
Vendange 2022
Gerda : Pourriez-vous me donner votre première impression des vendanges 2022 ?
Jean Triaud : Ce nouveau millésime me fait penser à 2003, un très beau millésime chez nous. Il est complexe, nuancé avec une belle richesse tannique. Néanmoins, quelques différences existent : aujourd’hui nous faisons une sélection plus stricte, à la fois dans les vignes, et dans le chai. Je suis donc très confiant pour ce millésime mais malheureusement le rendement sera petit.
La marque Château Saint-Pierre aujourd’hui et demain
Gerda : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ?
Jean Triaud : Château Saint Pierre a une notoriété qui n’est pas très ancienne. C’est en 1982 que mon grand-père a acheté les 17 hectares de ce très beau terroir. C’est un petit bijou reconnu par La Place de Bordeaux, tous mes amis courtiers ont une caisse dans leur cave, mais ce n’est pas assez. Il faut le faire connaître auprès d’un plus grand public en le mettant davantage en lumière. La taille modeste de la propriété est un handicap, seulement 17 hectares. Nous avons besoin de nos partenaires négociants pour permettre une grande capillarité de la distribution. La famille doit être aussi plus active pour faire découvrir le vin et donc être plus présente sur le marché. Nous avons de nombreux atouts pour réussir : d’abord un terroir magnifique avec une situation géographique exceptionnelle, une qualité du vin remarquable, une équipe performante et soudée, mais aussi le fait d’être un Grand Cru Classé d’une appellation prestigieuse.
G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?
JT : Saint-Pierre est d’une petite taille pour une propriété du Médoc, seulement 17 hectares alors que l’appellation en compte 920. Sa géographie bénéficie d’une belle situation avec une homogénéité de sol rare. Les vignes ont un âge moyen de 60 ans et avec Léoville Las Cases, Saint-Pierre a la plus grosse proportion de cabernet sauvignon à Saint Julien : 80%. Saint-Pierre a la typicité d’un Saint Julien par sa complexité et par sa richesse tannique. Il a une vraie colonne vertébrale avec de la fraîcheur, cela lui procure un caractère unique. Il a un milieu de bouche volumineux. C’est un grand vin de garde.
Aujourd’hui, notre défi est de le rendre plus accessible dès son jeune âge tout en gardant ce potentiel de garde.
G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?
JT : Depuis 2021, tout notre vignoble est en conversion bio et l’objectif est d’être certifié en 2024. Déjà, depuis 10 ans nous « posons les jalons » de cette conversion en faisant une viticulture raisonnée mais nous avons décidé d’aller plus loin. Nous devons respecter davantage la nature notamment pour luter contre le changement climatique. Finalement, cette démarche ne change pas beaucoup notre quotidien dans le vignoble et le chai. Dans le vignoble, nous allons même plus loin en appliquant la biodynamie. C’est Jean-Michel Comme qui nous accompagne dans la démarche, il a créé sa société de consulting en février 2020. Il a fait un excellent travail à Pontet Canet pendant plus de 30 ans. Jean-Michel est ami avec notre directeur des vignobles Remi Di Constanzo qui est arrivé en 2000. La cohésion est importante pour entrer dans un telle démarche, l’adhésion des équipes à ce beau projet est la clé. Jean-Michel est très à l’écoute, comme notre consultant en œnologie, Eric Boissenot. C’est un vrai travail d’équipe.
Il faut vivre dans son temps et trouver son équilibre sans renoncer au travail de la génération précédente. J’appelle cela « la tradition en marche » : faire du vin est une longue tradition et nous la perpétuons. Nous utilisons, à la fois des techniques plus modernes, plus précises et avec plus de confort pour les équipes, mais aussi en suivant des pratiques un peu oubliées qui sont davantage à l’écoute de la plante, de la nature. Nous essayons de respecter la nature avec pour objectif que le terroir s’exprime et fasse un plus grand vin. C’est simplement vivre dans son temps. Nous devons montrer l’exemple. Nous sommes dans le monde des Grands Crus Classés et nous n’avons pas d’excuses.
G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ?
JT : Mon épouse Caroline nous a rejoint en 2020 pour développer la communication et la promotion digitale. Mon neveu Sacha le Baube-Triaud fait aussi parti de l’équipe. Il est notre commercial et est présent sur les marchés. Il fait les voyages avec l’Union des Grands Crus (UGC), qui est une formidable machine de promotion. Il est aussi disponible pour faire des voyages avec nos partenaires négociants. Ce sont les nouveaux membres de la famille qui ont rejoint Domaines Henri Martin. C’est enrichissant et nous voulons améliorer la visibilité du Château Saint-Pierre et du Château Gloria.
Ma sœur Vanessa est co-gérante avec moi. Nous faisons beaucoup de brainstorming et toutes les décisions sont prises de façon collégiales et familiales. Il y a une vraie synergie entre nous.
Le commerce
Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?
Jean Triaud : Le développement de Saint-Pierre est limité par son volume. Pour cela, Sacha ne pourra pas être prescripteur sur les nouveaux marchés. Nous préférons nous concentrer et devenir une référence incontournable sur nos marchés traditionnels : Benelux, UK, Allemagne et France. Le but est de toucher un plus grand public avec de plus jeunes consommateurs. Sacha qui est un jeune homme entreprenant est bien placé pour véhiculer cette image.
Quant au Château Gloria, il est bien distribué aux Etats-Unis où c’est une marque forte. La production est beaucoup plus importante (50 hectares). Nous devons avoir un développement plus large et aller au-delà de nos marchés traditionnels.
G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?
JT : Nous sommes bien sûr présents sur tous les réseaux sociaux et nous pouvons donner tout type de support de communication. Mais le meilleur et le principal atout reste avant tout : nous, la famille !
G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? et pourquoi ?
JT : J’ai lu quelques Insides et j’ai vu que beaucoup de monde répond 2017. Je vais vous surprendre en disant …. 2013. C’est un vin qui est délicieux par sa structure fruité et il est moins tannique et c’est une des caractéristiques de notre 2013 car Saint-Pierre a une forte proportion de cabernet sauvignon. Il est très agréable après 9 ans de vieillissement en bouteille. Il a un équilibre parfait et à savourer sans modération !
G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?
JT : Nous vendons 85 à 90% de la production en primeurs et nous ne souhaitons pas changer ce type de distribution. C’est un atout formidable, un Momentum à ne pas manquer ! Nous sommes à l’écoute de nos partenaires pour les demandes de millésimes hors-primeurs. C’est important de garder une présence sur le marché. Je suis tout à fait conscient que c’est un luxe que nous pouvons nous permettre.
Comme les anciens ont souvent dit : « il faut avoir une récolte sur pied, dans le chai et à la banque ! »
Site Internet et Instagram
La bouteille de cœur de Jean Triaud
Gerda : Si vous aviez une seule bouteille de cœur ?
Jean Triaud : Nous avons fait ces dernières années des grands millésimes, donc la trilogie 2018, 2019 et 2020. Je suis tenté de dire 2019 car il a aussi une touche émotionnelle. C’est l’année de la naissance de mon fils.
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.