Inside La Place – Trilogie Logistique : Château Margaux 1/3

La préparation d’une commande par le Château Margaux (Etape 1/3)

Château Margaux 

1er Grand Cru Classé en 1855

Margaux

Aurélien Valance

Directeur Général Adjoint, Commercialisation et Opérationnel

En poste depuis 2006

Rencontré par Gerda


 

A travers une trilogie logistique, nous souhaitons vous faire partager la vie des vins, depuis la mise en bouteille jusqu’à l’arrivée de celle-ci chez le distributeur.

Dans l’étape 1, Aurélien VALANCE du château MARGAUX (ci-dessous) , nous explique le déroulement de la préparation à partir de la mise en bouteille, jusqu’à l’enlèvement par le négociant.

Dans l’étape 2, David VIDAL (directeur entrepôt) nous présente l’environnement de stockage du négociant.

Enfin l’étape 3, Patrick BONGARD de HILLEBRAND-BORDEAUX (groupe DHL), expose l’environnement de la logistique et du transport des marchandises jusqu’à destination.


 

La logistique des grands vins, c’est-à-dire ce qu’il se passe de la mise en bouteille jusqu’à l’arrivée des caisses chez nos clients, nécessite de la part de tous les acteurs concernés énormément de rigueur et de précision.

Cette logistique passe par plusieurs étapes, à commencer par les commandes au château. Ici, nous avons choisi d’interviewer Aurélien VALANCE du Château Margaux.

Gerda : Aurélien, vos mises en bouteilles se font-elles au château, et comment ? 

Aurélien Valance : À partir de la mise en bouteille du millésime 2021, nous aurons à nouveau notre propre chaîne de mise en bouteille. Jusqu’à cette date et depuis plusieurs années, nous sous-traitions l’opération avec un prestataire qui venait l’installer au sein de la propriété. Nous avons pris la décision de réinvestir dans une chaîne, car les avancées technologiques sont maintenant stables. Avant, il y avait régulièrement des innovations sur ces technologies. Nous pensons qu’il n’y aura plus de progrès techniques significatifs et qu’il était temps de faire cet investissement. Nous voulons à présent maîtriser en interne cette tâche avec notre équipe dédiée Château Margaux.

Gerda : Le stockage des vins non-commercialisés en primeur est-il fait dans vos chais ? Sous quelles conditions ?

Aurélien Valance : Toutes nos bouteilles de Château Margaux, Pavillon Rouge et Pavillon Blanc sont stockées dans nos chais à une température constante de 15°C et à une humidité de 70%. Les bouteilles ont uniquement une fine capsule pour protéger le bouchon.

Gerda : Vous donnez accès à vos stocks de livrables au négoce avec une certaine latitude de choix de formats et de millésimes. Lorsqu’un achat livrable est passé par un négociant, pouvez-vous nous décrire le processus de traitement de cette commande ?

Aurélien ValanceNous avons un système informatique, un ERP (Enterprise Ressource Planning), nous permettant de suivre avec précision toutes les étapes de la préparation. Une personne va chercher les bouteilles en stock, une autre va chercher les matières sèches, toutes nos étiquettes se trouvent dans un coffre-fort. Lors de la mise en bouteille, chaque bouteille est marquée par un numéro unique qui est gravé au laser dans le verre grâce à une machine permettant la traçabilité. Au-dessous de chaque bouteille, se trouve également un code datamatrix qui est un type de code-barres bidimensionnel à haute densité. Ce code est unique et donne toutes les informations de stockage. Chaque bouteille est étiquetée, capsulée et équipée d’un prooftag.

La prochaine étape pourrait être comparée à celle du passage à la sécurité dans un aéroport ! Chaque bouteille est prise en photo à 360°. C’est de l’intelligence informatique qui permet de capter immédiatement un éventuel problème, par exemple 2 étiquettes collées… Cela nous permet également d’avoir une preuve de la qualité, par exemple si nous avons par la suite une réclamation sur un niveau de bouteille trop bas ou sur l’absence d’une contre-étiquette. J’ai la preuve que la bouteille a quitté la propriété correctement.

Aussi, notre système de traçabilité, né en 1997 : le datamatrix est un outil essentiel. Toutes les informations liées à la bouteille sont conservées à la fois dans le numéro de caisse, dans le numéro de la bouteille, dans le datamatrix de la caisse et dans le datamatrix de la bouteille. Il regroupe également les informations logistiques telles que la date d’enlèvement. De cette manière je peux, au besoin, connaître la vie de la bouteille.

Nous acceptons uniquement des camions réfrigérés pour la logistique de nos vins et nous prenons la température de chaque camion dès son arrivée. Il arrive que le chauffeur mette la climatisation juste avant l’arrivée au Château. Le camion n’est donc pas assez frais. Nous refusons qu’il parte à partir du moment où il fait 20 degrés ou plus à l’intérieur.

Gerda : Est-ce que vous redéguster les millésimes avant de les commercialiser ?

Aurélien Valance Oui, nous redégustons les vieux millésimes, mais pas dans cet objectif. Nous ouvrons souvent des vieux millésimes lors de la visite de personnes importantes à la propriété. Nous avons confiance en nos vins et je peux vous dire que nous connaissons tous les millésimes du Château Margaux des cinquante dernières années par cœur. Jamais nous ne commercialiserons un millésime qui ne nous a pas donné entière satisfaction ou qui nous a paru douteux lors de ses dégustations.

Gerda : Changez-vous les bouchons des millésimes anciens ?

Aurélien Valance : Tous les niveaux de nos bouteilles et les bouchons ont été contrôlés et nous laissons partir de notre chai uniquement des bouteilles parfaites. Il y a 2 à 3 ans, nous avons terminé ce contrôle minutieux de toutes nos bouteilles. Toutes les bouteilles à reconditionner, ont d’abord été mises sous azote, et n’ont donc jamais eu de contact avec l’oxygène, puis nous les avons dégustées. Pour cette opération, une bouteille est utilisée pour réaliser l’ouillage et remettre le vin à niveau. Nous mettons un petit peu de SO2 (dioxyde de soufre) avant de mettre le bouchon sur lequel est noté l’année de reconditionnement. Toutes ces bouteilles reconditionnées sont mises à part et nous ne les vendons pas avant 5 ans à partir de cette date. Après ce délai, nous dégustons le vin à nouveau et si nous estimons que le vin s’est parfaitement remis de cette opération de reconditionnement, alors nous pouvons considérer de le commercialiser à nouveau. Si ce n’est pas le cas, le vin reste encore en attente.

Gerda : Vos blancs remarquables sont-ils traités différemment des rouges dans vos stocks ?

Aurélien Valance : Comme je vous en ai fait part, nous sommes très observateurs de notre stock. Nous faisons très attention également à nos vins blancs. Avant le millésime 2017, nos vins blancs étaient mis dans des bouteilles transparentes. Nous avons un lieu de stockage uniquement dédié à tous nos blancs. La lumière dans ce lieu de stockage est orange, la même qui est utilisée en Champagne, elle protège mieux le vin. Depuis le millésime 2017, nous avons pris la décision de mettre tous nos vins blancs dans la même bouteille que Château Margaux, un verre bien foncé qui protège davantage le vin.

Gerda : Quels critères prenez-vous en compte pour décider de reboucher un lot de bouteille ?

Aurélien Valance : Nous avons deux critères : le niveau du vin dans la bouteille, et l’aspect du bouchon.

Gerda : Donnez-vous aux acheteurs de vos vins une certaine souplesse en termes de choix de formats, et de caissage ?

Aurélien Valance : Oui, mais tout n’est pas possible.

En Primeur, nous proposons les caissages suivants : caisse bois de 1, 3, 6 ou 12 bouteilles de 75 cl et les formats suivants : demi-bouteille, bouteille, magnum, double-magnum (3L) et impériale (6L). Nous avons quelques formats Balthazar (12-litres) en stock, mais ils seront uniquement proposés pour des projets très particuliers ou des actions de charité. Nous souhaitons garder un certain stock de nos gros formats, c’est pour cela que si nous avons encore très peu de stock d’impériales (6-litres) d’un certain millésime par exemple, nous arrêterons de les vendre.

credit photo @bricebraastad

Gerda : Avez-vous des outils pour identifier les vins et authentifier les bouteilles à la disposition des consommateurs ?

Aurélien Valance Depuis plus de 20 ans, nous avons mis en œuvre un certain nombre de mesures destinées à permettre une meilleure traçabilité de nos bouteilles. En voici quelques-unes. Toutes nos bouteilles :

  • portent un code alphanumérique individuel gravé au laser (depuis le mill 1996)
  • ont la façade du château et le millésime gravés dans le culot (depuis le mill 2000)
  • sont équipées d’un Prooftag (depuis 2011)

Pour ce qui est de l’authentification, il est toujours un peu difficile d’être catégorique, d’autant plus sur les vieux millésimes. Cependant, nous pouvons donner notre avis. Nous demandons aux consommateurs de nous envoyer des photos de la bouteille (photos de la capsule, de l’étiquette, de la bouteille de plain-pied, etc.), mais certainement pas de nous l’envoyer, car les très vieux millésimes sont fragiles et nous préférons éviter de les faire voyager. Après un examen minutieux des photos par notre équipe technique, nous pouvons dire si la bouteille en question nous semble probablement authentique, ou au contraire suspecte. Si elle nous paraît fausse, nous engageons alors une procédure juridique. Il faut lutter contre la contrefaçon. Nous ne donnons jamais un certificat d’authenticité.

Gerda : D’où proviennent vos capsules, vos bouteille et vos caisses bois ?

Aurélien Valance : Nos capsules proviennent d’Espagne, car l’usine en France a été fermée. Nos bouteilles et nos caisses viennent de France sauf la caisse du Grand Vin et du Pavillon Blanc qui est en Pin Radiata, elle est produite au Pays Basque espagnol. Notre troisième vin est conditionné en carton.

Nous sommes attachés à nos caisses bois, car nos vins ont la capacité de vieillir pendant un siècle, et c’est uniquement ce type de bois qui peut résister à travers le temps.

Gerda : Avez-vous mis en place des initiatives récentes visant à limiter votre impact carbone avec vos matières sèches ?

Aurélien Valance : Nous avons déjà mis en place plusieurs améliorations. Je peux vous citer quelques exemples :

  • Pour la livraison des bouteilles vides, nous avons demandé à notre fournisseur de mettre une couche supplémentaire dans le camion,
  • Depuis le millésime 2015, nous mettons notre Grand Vin dans des caisses de Pin Radiata du Pays Basque espagnol. Ce pin était déjà disponible en Nouvelle-Zélande, mais nous n’avons pas souhaité l’utiliser à cause de l’impact carbone,
  • Nous utilisons un film en amidon au lieu du film plastique habituel pour envelopper nos palettes,
  • Nous anticipons nos évènements et de nos besoins en terme de logistique afin que toutes les bouteilles nécessaires soient envoyées en maritime ou routier.

Gerda : Pour conclure et illustrer nos échanges, un client nous commande aujourd’hui un double-magnum de Château Margaux 1983, quelle aura été son histoire ?

Aurélien Valance : Cela sera un double-magnum (3L) qui n’aura jamais quitté la propriété depuis la mise en bouteille en 1985. Il a été conservé à 15 °C et à 70 % d’humidité.

Il n’est pas en vente en ce moment, car nous l’avons reconditionné en décembre 2020 et comme je l’ai explicité tout à l’heure, il ne sera pas mis en vente avant 5 ans à partir de cette date.

 

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.