Wilfrid Groizard (gauche)
Directeur Général adjoint
En poste depuis 2013
Edouard Kressmann (droite)
Directeur Technique
Rencontrés par Gerda au Château
Château Latour-Martillac
Grand Cru Classé de Graves Pessac Léognan
Gerda : Parlez-nous de vous…
Wilfrid Groizard : Mes racines sont Vendéennes. J’ai commencé ma carrière dans le « Marketing des médias » hors Bordeaux et en 2007, mon aventure dans le vin a débuté à La « Winery » de Philippe Raoux. J’ai ensuite rejoint la famille Kressmann à Latour-Martillac pour une très belle aventure.
Edouard Kressmann : Je suis de formation ingénieur agronome. Avant le retour au berceau à la propriété familiale, j’ai travaillé 7 ans en Chine pour un négociant. C’était une expérience enrichissante qui m’a permis d’élargir mon horizon et de mieux connaître la filière du vin et ses problématiques, notamment sur le grand export. Aujourd’hui, je suis responsable de la qualité et de l’environnement de Latour-Martillac.
Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?
Wilfrid Groizard : Cette belle propriété est l’histoire d’une vie pour Tristan et Loïc Kressmann qui ont été à la direction du Château Latour-Martillac pendant 40 ans. Un nouveau chapitre s’ouvre avec un nouveau tandem : Edouard et moi-même. Je suis le premier directeur général hors de la famille depuis 90 ans.
Les défis d’aujourd’hui sont multiples et concernent à la fois la production, avec en premier lieu le changement climatique, mais aussi la commercialisation. La consommation de vin mondiale a beaucoup évolué. Il faut s’adapter aux nouvelles conditions et aux attentes des consommateurs. Je n’ai pas d’inquiétudes, Bordeaux a déjà connu de nombreuses crises dans son histoire et s’est toujours relevé. Je suis persuadé que nous avons l’énergie, l’intelligence et la force de nous adapter. Ce sont les mots-clés de la réussite !
Edouard Kressmann : Comme technicien, mon défi est surtout de faire face aux aléas de Dame Nature. Cette instabilité me perturbe. Il faut s’adapter tous les ans car ce qui a marché cette année ne marchera pas forcément l’année suivante. Nous allons subir également la sobriété énergétique qui sera un vrai sujet. Comme Wilfrid l’a mentionné, il faut s’adapter et nous réussirons.
Vendanges 2022
Gerda : Pourriez-vous me donner un souvenir des vendanges 2022 ?
Edouard Kressmann : Grâce à notre beau terroir, nous avons fait un bon rendement pour les blancs : 44 hl par hectare ! Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette belle production vu le contexte climatique de l’année. Nos blancs sont plantés sur le plateau argilo-calcaire, ils ont très bien résisté à la sècheresse et aux fortes chaleurs. Nous avons connu quatre vagues de chaleur successives avec un début très tôt en mai. Ce début précoce des chaleurs nous a en fait aidé, car la vigne a pu s’adapter et a bien toléré le stress hydrique : c’est une plante méditerranéenne qui a su trouver des ressources pour résister. De plus, entre le 15 août et le 15 septembre, nous avons reçu 70 mm d’eau, ce qui n’a pas été le cas pour tout le monde dans l’appellation !
Nous avons commencé à récolter nos blancs 15 jours plus tôt qu’en 2021 : le 18 août comme en 2003 et nous avons fini le 31 août.
Nous sommes confiants pour nos rouges également. La dégustation du premier jus est très prometteuse.
La marque Latour-Martillac aujourd’hui et demain
Gerda : Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre marque ?
Wilfrid Groizard : Le marché juge nos vins comme un très bon rapport qualité-prix et nous souhaitons garder ce positionnement en valorisant notre patrimoine.
Nos blancs sont une référence dans l’appellation. Nos rouges se trouvent dans un marché plus large mais leur qualité augmente tous les ans grâce notamment au nouveau chai permettant de les travailler avec plus de précision.
Nous travaillons à la notoriété du nom Latour-Martillac, à ce que la propriété soit encore plus reconnue et découverte par les consommateurs du monde entier. Je voyage beaucoup pour cela et nous avons créé un pôle œnotourisme très actif.
Edouard Kressmann : Maintenant, nous devons prendre notre bâton pour faire connaître davantage Latour-Martillac, le faire partager, car le vin est d’abord une émotion, une rencontre, une preuve d’amitié et d’amour. C’est beaucoup plus qu’une simple bouteille.
G : En quoi vos vins se distinguent, et sont uniques ?
Edouard Kressmann : Nos vins sont le reflet d’une vraie philosophie mis en place au fil des décennies par ma famille : « jamais faire des vins qui ne correspondent pas au terroir ». Nous n’avons jamais été et nous ne sommes pas dans le monde de la « sur-extraction ». Nous faisons des vins équilibrés, raffinés qui ont un formidable potentiel de vieillissement. Nous avons aussi amélioré la buvabilité de manière à rendre le vin plus accessible dès son jeune âge. Nous avons gagné en fraîcheur.
G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?
Wilfrid Groizard : D’abord, l’ouverture de la propriété, je suis un homme de marketing et je suis très attaché à l’expérience de nos consommateurs. Outre la qualité de nos vins, c’est aussi l’histoire familiale forte de Latour-Martillac qui doit créer un attachement à notre marque. La mise en place de l’oenotourisme contribue à cela, la famille a un vrai sens de l’accueil, c’est une propriété chaleureuse intégrée localement, proche des gens. Je suis aussi fier de notre nouveau chai qui est un outil formidable de précision pour la vinification et l’élevage de nos rouges.
G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ? (Techniques, marketing, ou commerciaux)
Edouard Kressmann : La gestion d’une propriété est un processus qui ne s’arrête jamais, nous avons de nombreux projets. D’abord, nous sommes toujours dans l’apprentissage de notre nouvel outil, nous devons maîtriser le nouveau chai totalement. Puis, nous sommes aussi dans la réflexion sur l’évolution du goût qui va peut-être nous conduire à une nouveauté ! Nous en parlerons plus tard. Aussi, la lutte contre le gel est aussi une de nos préoccupations, nous devons nous protéger. Nous avons un projet pour mettre plus d’éoliennes en place. Au niveau de la gestion du vignoble, actuellement, nous replantons 0,5 hectares de sauvignon, nous devons toujours être très attentifs à l’équilibre de notre vignoble.
G : Où en est(sont) votre(s) propriété(s) en matière de « transition écologique » ?
Edouard Kressmann : Latour-Martillac a mis en place une démarche environnementale globale tant au niveau de nos pratiques de culture que de nos infrastructures et de nos matières sèches. Nous essayons de diminuer notre impact carbone à tous les niveaux.
Nous sommes certifiés HVE et nous étudions précisément notre conversion en bio au travers d’une étude technique. Ce changement implique pour nous beaucoup de moyen tant financier qu’humain. Je suis quelqu’un d’analytique et non dogmatique. Il ne faut jamais perdre le bon sens paysan. J’échange beaucoup avec notre conseiller Axel Marchal qui nous accompagne.
Notre nouveau chai de vinification des vins rouges, en service depuis 2020, a dès sa conception pris en compte les enjeux environnementaux. Nos choix sur nos matières sèches vont en priorité vers des fournisseurs proches géographiquement et qui ont un engagement de traçabilité fort notamment.
Le commerce
Gerda : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?
Wilfrid Groizard : Latour-Martillac est vendu dans 90 pays, dont la France qui reste le marché le plus important pour nous. Ce marché représente 50 %. Ce nombre peut facilement s’expliquer par le fait que l’appellation Graves Pessac-Léognan est une appellation très réputée en France. 20 % de nos vins sont vendus dans le reste de l’Europe, 15 % aux Etats Unis et 15 % en Asie. Nous avons un équilibre dans la distribution comme dans le vin. Nous sommes dans une bonne dynamique commerciale, mais il y a encore des marges de progression sur les marchés export. Latour-Martillac reçoit de plus en plus de notes de reconnaissance comme dans la Revue des Vins de France. Nous avons reçu 2 étoiles et rejoignons des belles propriétés comme Smith Haut Lafitte, Domaine de Chevalier, Beychevelle et Giscours, grâce à la qualité de nos vins. Nous sommes fiers de cette distinction.
De plus en plus de négociants s’intéressent à nos vins et je suis persuadé que cela va encore s’accroître. Je pars bientôt en Pologne pour des rencontres et des manifestations. Il faut être sur le terrain pour parler de nos vins aux consommateurs.
G : Quels supports d’aide à la vente sont à disposition des distributeurs pour promouvoir vos vins ?
Wilfrid Groizard : Nous sommes présents sur tous les réseaux sociaux et nous avons 10 000 followers sur Instagram. Nous sommes beaucoup sur le terrain et c’est une volonté familiale s’expliquant notamment par la culture de la famille Kressmann qui est une famille historique de négociants. Latour-Martillac est dans une gamme de prix accessible, les consommateurs ouvrent nos bouteilles pour les boire avec plaisir. C’est la force de la marque.
G : A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? et pourquoi ?
Wilfrid Groizard : Sans hésitation, c’est le millésime 2019 car il y a une telle qualité dans les 2 couleurs. Ce millésime est vraiment très réussi. Nous venons d’apprendre à ce propos que ce vin figure dans le TOP100 de l’année de Jeb Dunnuck. Le prix est très bien positionné commercialement ; Il y aura un beau partage de la valeur avec l’ensemble de la distribution. C’est une très bonne chose pour Bordeaux car nous ne sommes pas les seuls ! C’est un millésime qui donne le sourire à tous les niveaux et c’est notre but.
G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?
Wilfrid Groizard : Non, nous vendons 85% de notre récolte en Primeur. C’est un temps fort pour la propriété et pour Bordeaux en général. Deux fois par an, j’envoie notre tarif à jour à nos courtiers qui le partage avec nos partenaires de la Place. Nous travaillons avec 8 courtiers et une cinquantaine de négociants.
Les vins dégustés
Château Latour Martillac Rouge 2019 : 72% cabernet sauvignon, 20% merlot, 8% petit verdot
Il est intense avec des notes de fruits rouges et de réglisse. Il a une tension au milieu de la bouche par la forte proportion de cabernet sauvignon sur graves. Il a une belle fraîcheur et est dans un équilibre parfait. Très bonne longueur et l’avenir sera très beau pour ce vin qui correspond au terroir comme Edouard l’a mentionné.
Château Latour Martillac Blanc 2019 : 58% de sauvignon, 42% de sémillon
La force des Pessac Léognan blancs est que nous pouvons les savourer dans leur jeune âge, dans ce cas c’est le sauvignon qui domine, et ils sont également aptes au vieillissement. Dans ce cas le sémillon prend le relais mais il sera toujours soutenu par la fraîcheur du sauvignon blanc. Ce Latour Martillac Blanc est profond et une très belle intensité. Au nez, on trouve la sève du pin mais aussi des agrumes. En bouche, il est parfaitement équilibré avec une belle longueur. Ce vin peut être accordé avec beaucoup de mets.
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.