Andrea Martinisi
Meilleur sommelier de Nouvelle-Zélande 2021 & 2022
Lorsque j’ai parlé à Katharine Maude, de Peter Maude Fine Wines à Auckland, de notre intention de lancer une série sur les sommeliers – ces connaisseurs du vin qui jouent un rôle crucial dans la mise en valeur et l’internationalisation de nos vins exceptionnels – elle m’a immédiatement mis en contact avec Andrea Martinisi. Avant d’arriver en Nouvelle-Zélande, Andrea a commencé sa carrière de sommelier en Europe. Il a travaillé au Pays de Galles au restaurant Ynyshir Hall, ainsi qu’au Grand Hôtel de la Villa Feltrinelli et au célèbre restaurant Fat Duck à Londres. Le temps qu’il a passé avec l’estimé Gérard Basset à l’hôtel TerraVina restera sans aucun doute gravé dans sa mémoire. Enfant, en Italie, il aidait son grand-père à transvaser et à mettre en bouteille du vin acheté en vrac dans une ferme voisine, ce qui a déclenché sa passion pour le vin tout au long de sa vie.
Andrea est actuellement directeur des boissons au restaurant Grove ainsi qu’au restaurant Baduzzi à Auckland. Il a été nommé meilleur sommelier de Nouvelle-Zélande en 2021 et 2022 et prépare actuellement sa certification de maître sommelier.
Profession et Vie quotidienne
Gerda : Quels sont les aspects les plus gratifiants et les plus exigeants de votre travail quotidien ?
Andrea Martinisi : Comme tous les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration, vous le diront, l’aspect le plus difficile est les longues heures de travail.Comme pour beaucoup de choses dans la vie : on le fait par amour. Toutefois, en tant que sommelier, il faut aussi rester au sommet de ses connaissances, ce qui exige beaucoup d’études, de lectures et de mises à jour. Cet apprentissage constant vous permet de rester vif et engagé. Heureusement, il y a aussi de nombreux aspects gratifiants. Travailler avec le vin est vraiment fantastique. Le vin est un produit qui rapproche les gens. Partager un bon verre de vin avec des gens est toujours gratifiant. En outre, ce travail offre souvent l’occasion de voyager, ce que j’adore également, en particulier dans des régions riches en nature.
G : Comment restez-vous en forme ?
AM : Bien.. physiquement ou mentalement ? Physiquement, je reste actif en travaillant, ce qui m’aide à brûler des calories, et je fais aussi de l’exercice régulièrement. Sur le plan mental, il est essentiel de se tenir au courant des dernières nouvelles, et je prépare actuellement mes examens de maître sommelier, ce qui m’aide à rester mentalement vif et en forme.
Relations avec les domaines viticoles
G : Quelles sont les attentes les plus courantes de vos clients concernant les vins et votre expertise en tant que sommelier ?
AM : La majorité de nos clients optent souvent pour des accords mets-vins avec le menu de dégustation. Le rôle du sommelier n’est pas encore tout à fait compris dans ce pays et se trouve dans une phase d’expansion. Au cours des dernières années, les gens ont commencé à mieux comprendre les sommeliers et à leur faire confiance, mais il y a encore des progrès à faire dans ce domaine. L’industrie hôtelière de Nouvelle-Zélande reste relativement jeune et n’est pas aussi développée que l’Europe ou d’autres parties du monde. Cet aspect rend mon travail passionnant, car nous sommes encore en train de façonner et de faire évoluer cette culture.
G : Quels sont les facteurs les plus importants pour vous lors de la sélection des vins pour votre carte ?
AM : Il y a plusieurs facteurs importants. Je n’achète jamais un vin uniquement sur la base de son nom et j’insiste toujours pour le goûter avant de l’acheter. En outre, le vin doit offrir un excellent rapport qualité-prix, ce qui influence considérablement mon processus de décision. Cet aspect est étroitement lié à la culture néo-zélandaise, où chacun cherche à en avoir pour son argent.
G : Comment interagissez-vous avec les viticulteurs pour sélectionner les vins qui figureront sur votre carte ?
AM : En Nouvelle-Zélande, compte tenu de la distance qui nous sépare de nombreux domaines viticoles, nous établissons principalement des contacts par l’intermédiaire d’importateurs/distributeurs, tels que Peter Maude Fine Wines, auprès duquel nous nous procurons la plupart de nos vins de Bordeaux. Toutefois, il nous arrive de communiquer directement avec des producteurs locaux pour certaines sélections.
Exigence des clients
G : Quelles sont les attentes les plus courantes de vos clients concernant les vins et votre expertise en tant que sommelier ?
AM : La majorité de nos clients optent souvent pour des accords mets-vins avec le menu de dégustation. Le rôle du sommelier n’est pas encore tout à fait compris dans ce pays et se trouve dans une phase d’expansion. Au cours des dernières années, les gens ont commencé à mieux comprendre les sommeliers et à leur faire confiance, mais il y a encore des progrès à faire dans ce domaine. L’industrie hôtelière de Nouvelle-Zélande reste relativement jeune et n’est pas aussi développée que l’Europe ou d’autres parties du monde. Cet aspect rend mon travail passionnant, car nous sommes encore en train de façonner et de faire évoluer cette culture.
Vins de Bordeaux
G : Que pensez-vous des vins de Bordeaux ?
AM : Bordeaux est l’un des endroits où l’on trouve une grande variété de gammes de prix, de châteaux et de niveaux de qualité. C’est une région connue pour offrir certains des meilleurs vins du monde, mais elle compte aussi des producteurs plus petits et moins connus qui peuvent offrir un excellent rapport qualité-prix. Par rapport à la Bourgogne, Bordeaux dispose de beaucoup plus de ressources pour trouver des vins d’entrée et de milieu de gamme. La région de Bordeaux possède de nombreuses ressources. Il est remarquable de constater l’évolution de Bordeaux en termes de recherche et de développement. La ville accueille l’une des meilleures universités, l’ISVV (Institut des sciences de la vigne et du vin). C’est une région progressiste dans l’ensemble, à l’exception de son système d’appellation, qui semble figé dans le passé. En revanche, tout le reste est moderne et avant-gardiste, ce qui fait la renommée de Bordeaux dans le monde du vin. Il faut également tenir compte des investissements réalisés dans les domaines viticoles ; Bordeaux est un exemple pour de nombreuses autres propriétés dans le monde.
G : Comment sélectionnez-vous les vins de Bordeaux ?
AM : Je m’approvisionne en vins de Bordeaux de deux manières. Je n’achète pas de primeurs, je recherche donc toujours des vins de Bordeaux d’un certain âge. Parfois, je les trouve auprès de distributeurs ou de collectionneurs privés dont je sais qu’ils ont parfaitement conservé le vin. Nos caves ont un espace limité, ce qui peut être à la fois un défi et un avantage. Cela m’oblige à rester vigilant sur ce qui est disponible sur le marché, à agir rapidement et à rester dynamique. Pendant les mois d’été, lorsque nous recevons beaucoup de touristes, nous proposons davantage de vins locaux sur notre carte. En hiver, lorsque nous nous adressons davantage à la clientèle locale, nous présentons plus de vins du reste du monde. Les clients locaux apprécient de découvrir des vins d’autres régions, et pas seulement de Nouvelle-Zélande.
G : Que devrions-nous faire à Bordeaux pour avoir une meilleure représentation sur les cartes des vins ?
AM : Bordeaux jouit d’une solide réputation en Nouvelle-Zélande. Cependant, ces dernières années, en raison des effets du Covid et de l’augmentation des prix dans le monde entier, y compris à Bordeaux, la présence des meilleurs vins de Bordeaux a diminué. Néanmoins, Bordeaux offre actuellement un meilleur rapport qualité-prix que la Bourgogne, où les prix ont considérablement augmenté, ce qui a provoqué des difficultés dans cette région.
Tant que Bordeaux continuera à fournir de bons vins dans différentes gammes de prix, elle bénéficiera d’un avantage en Nouvelle-Zélande, un pays connu pour sa sensibilité aux prix, en particulier en ce qui concerne le vin. Par ailleurs, l’image de Bordeaux et la représentation des vins de Bordeaux en Nouvelle-Zélande sont positives. Bien qu’il s’agisse d’un petit marché (la Nouvelle-Zélande compte 5,1 millions d’habitants), nous avons accès à une large gamme de vins, y compris à des étiquettes prestigieuses comme Mouton Rothschild ou Petrus.
Tendances
G : Y a-t-il des tendances actuelles en Nouvelle-Zélande, et si oui, quelles sont les plus populaires en ce moment ?
AM : La Nouvelle-Zélande étant assez isolée géographiquement, nous sommes parfois en retard sur les tendances mondiales. Les tendances venant de l’Europe, par exemple, mettent souvent un certain temps à s’imposer en Nouvelle-Zélande. Par exemple, les vins rosés et les vins naturels restent très populaires en Nouvelle-Zélande à l’heure actuelle. En outre, on constate une tendance à la production de vins plus frais, plus purs et plus nets, avec un profil fruité plus prononcé. Ces vins sont également plus faciles à consommer, ce qui reflète une évolution des préférences des consommateurs. Même les viticulteurs néo-zélandais s’adaptent à cette tendance en produisant du chardonnay moins boisé et des assemblages de cabernet moins mûrs, moins concentrés et moins boisés. Ce changement représente une évolution positive du marché.
G : Comment vous tenez-vous au courant des tendances en constante évolution dans l’industrie du vin et comment cela influence-t-il vos choix de vins ?
AM: Heureusement, je voyage beaucoup et j’ai un réseau d’amis sommeliers dans le monde entier qui m’aident à rester informé. Il est essentiel de se tenir au courant en lisant des magazines, en engageant des conversations et en assistant à des dégustations lorsque c’est possible. Bordeaux est sur ma liste, mais lorsque je veux aller en Europe, je dois prendre au moins deux semaines pour voyager.
Actuellement, il existe de nombreuses régions émergentes passionnantes, comme la Grèce, la Hongrie et de plus petits pays d’Amérique du Sud comme l’Uruguay, qui produisent des vins exceptionnels. Ces régions offrent des caractéristiques uniques, imprégnées d’Histoire et de tradition, utilisant souvent des cépages locaux et mettant en valeur des terroirs particuliers. Les vins d’Europe de l’Est sont particulièrement fascinants et il est passionnant de les voir arriver en Nouvelle-Zélande.
Conseils aux futurs sommeliers
G : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes professionnels qui, comme vous, aspirent à devenir sommelier de haut niveau ?
AM : Il est essentiel de garder l’esprit ouvert, surtout dans le secteur de la restauration où l’expérience du client est primordiale. Écouter attentivement et être sensible aux préférences et aux désirs du client sont des compétences essentielles. Qu’un client soit à la recherche d’une étiquette prestigieuse ou qu’il cherche à découvrir de nouveaux vins dans le cadre d’un budget limité, l’objectif doit toujours être de lui offrir la meilleure expérience possible.
La préparation exige de donner le meilleur de soi-même, ce qui peut s’avérer difficile en raison des longues heures de travail quotidiennes. L’étude est essentielle et exige un travail acharné, surtout si vous aspirez à devenir un « Master of Wine » ou un « Master Sommelier ». Il n’y a pas de raccourci dans ce parcours, et il faut beaucoup de temps et d’efforts pour progresser dans le secteur. Toutefois, ces efforts seront récompensés.
Les Vins
G : Quelle est la meilleure façon de déguster ?
AM : L’environnement de dégustation optimal est un environnement neutre et bien éclairé, dépourvu de toute influence extérieure. La maîtrise de la dégustation nécessite une longue pratique. En outre, la connaissance est essentielle car elle vous permet de comprendre ce que vous dégustez et de discerner les caractéristiques que vous recherchez. Il peut être difficile d’établir une corrélation entre ce que l’on goûte et ce que l’on attend, d’où l’importance d’étudier les différents cépages et régions. Par exemple, pour distinguer un Chablis 2022 d’un Chablis 2020, il faut reconnaître les différences de maturité du fruit. L’acquisition de connaissances joue donc un rôle important dans le processus de dégustation.
G : Quel est votre cépage préféré ?
AM : C’est une question difficile. Je ne suis pas sûr d’avoir un seul cépage préféré. J’ai tendance à boire plus de vins rouges et à apprécier les variétés ayant une bonne acidité et de bons tanins, surtout lorsqu’elles sont dégustées avec de la nourriture. En tant qu’Italien, j’ai une prédilection pour le Sangiovese et le Nebbiolo. En outre, j’apprécie beaucoup le cabernet franc; c’est un cépage merveilleux qui, à mon avis, est quelque peu sous-estimé. En ce qui concerne le Bordeaux, j’apprécie particulièrement le Petit Verdot lorsqu’il est bien fait.
G : Quel est votre vin préféré ?
AM : Question difficile… je peux toutefois vous parler d’un de mes meilleurs souvenirs de vin. En 2014, la première fois que j’ai goûté Petrus, il s’agissait d’un Petrus 1985, mon année de naissance. J’ai été complètement époustouflé. J’étais encore assez nouveau dans l’industrie, et c’est l’un des moments où j’ai réalisé que j’aimais vraiment ce travail. Je me souviens encore avoir pensé « oui, je suis dans le bon secteur ».
G : Quel est le meilleur accord culinaire avec un vin de Bordeaux ?
AM : C’est peut-être un peu classique et un peu ennuyeux, mais un Bordeaux bien vieilli avec un filet Rossini. C’est l’un des accords les plus difficiles à battre et c’est incroyable. En vieillissant, les vins de Bordeaux développent des notes terreuses et un caractère de truffe noire. J’ai tendance à préférer les vins à dominante de cabernet, donc un vin du Médoc ou des Graves serait sublime avec ce type de plat.
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.