Inside La Place – La fraîcheur de Larcis Ducasse

Ariane Gratiot 

Co-gérant

David Suire

Directeur Technique

Château Larcis Ducasse

Premier Grand Cru Classé Saint Emilion


Gerda : Ariane, vous êtes la 4ème génération à la propriété avec un rôle commercial. Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Ariane Gratiot : Le principal défi est de véhiculer l’image de Larcis Ducasse auprès des professionnels et des particuliers. C’est pour cela que nous sommes membres de l’Union des Grands Crus de Bordeaux (UGC) depuis la création de cette union. J’ai fait mes premiers voyages avec ma grand-mère en 1980, qui a été précurseur pour adhérer immédiatement à cette institution, En plus de maintenir et de promouvoir notre image de marque, un autre défi majeur est de s’adapter aux évolutions du marché et aux attentes des consommateurs. Le monde du vin est en constante évolution, et il est crucial de rester à l’avant-garde des tendances tout en préservant l’authenticité et la qualité de nos produits. Cela implique une veille permanente, une participation active à des salons et à des dégustations.

Nous devons échanger avec les amateurs de Larcis Ducasse et produire une communication efficace, notamment à travers les réseaux sociaux et les médias spécialisés. La gestion des relations avec les distributeurs et les clients est cruciale. Il est important de construire des partenariats solides et de fidéliser notre clientèle en leur offrant une expérience unique et personnalisée. Tout cela demande beaucoup de temps, de passion et d’engagement, mais c’est ce qui rend ce métier si passionnant et gratifiant.

: Qu’est ce que l’UGC vous apporte ?

AG : L’UGC nous apporte la possibilité de rencontrer des professionnels ainsi que de nombreux particuliers. Elle nous permet de renforcer notre notoriété. Notre force au sein de cette union réside dans le fait que Larcis Ducasse a conservé son identité familiale. Les gens sont très touchés lors des dégustations quand nous leur expliquons que c’est une propriété familiale. L’UGC nous offre l’opportunité de participer à des événements prestigieux et d’élargir notre réseau. Cela nous aide également à rester informés des tendances du marché et des attentes des consommateurs.


Vendange 2023

G : Pouvez-vous nous donner un souvenir des vendanges 2023 ?

Ariane Gratiot : Cette année, la conjonction entre la qualité et la quantité a été remarquable. Nous avons réussi à obtenir à la fois une qualité exceptionnelle et une quantité significative.

David Suire : Il est à noter que cette bonne quantité est un fait assez rare ici, car les coteaux de Larcis sont des terroirs plutôt maigres, produisant habituellement des volumes limités. En général, les vignes ici donnent entre 30 et 40 hl/ha. Cette année, nous avons franchi la barre des 40 hl/ha ! Et la qualité est superbe. 2023 est un modèle d’équilibre. Nous avons des maturités aromatiques pleines et fraîches, avec des degrés d’alcool plus faibles. Tout cela donne une magnifique brillance au vin.


La marque Larcis Ducasse aujourd’hui et demain

G :  Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ?

AG: La marque Larcis Ducasse est bien établie parmi les professionnels mais doit encore gagner en reconnaissance auprès des particuliers. Bien que nous produisions un vin de qualité exceptionnelle, nous n’avons pas encore atteint une notoriété suffisante parmi les grands amateurs de Bordeaux, ce qui représente une lacune à combler. Nous visons un positionnement haut de gamme et souhaitons être reconnus comme l’un des meilleurs Premiers Grands Crus Classés de Saint-Émilion. Larcis Ducasse est également un vin de collection, car il vieillit remarquablement bien au fil des ans, conservant sa fraîcheur et sa belle maturité.

DS : Je reviens d’un voyage de 15 jours aux États-Unis, où j’ai rencontré des professionnels et des consommateurs. Je dirai que la notoriété de Larcis Ducasse est réparti en deux cercles :

le premier cercle regroupe les connaisseurs et les professionnels qui connaissent Larcis et le suivent chaque année

le deuxième est constitué de consommateurs qui sont plus en retrait et qui connaissent principalement les grands noms de Bordeaux.

Cependant, je ne pense pas que ce groupe cible soit notre cheval de bataille. De toute façon, avec une production de 30 à 35 000 bouteilles, nous ne pouvons pas servir tout le monde.

La priorité est d’être incontournable et irréprochable. C’est une chance d’avoir des clients qui achètent Larcis presque par abonnement, et il ne faut jamais les décevoir. C’est pour moi un travail très important: nous devons être présents et à la hauteur de ce que nous représentons. Il est important également de bien cibler les marchés avec nos partenaires, les négociants, les importateurs et distributeurs. Avec notre volume, Larcis ne peut pas être distribué partout, mais il doit être proposé intelligemment aux marchés. Quant au positionnement, si nous voulons nous mettre à la hauteur de ce terroir si fort et singulier, nous sommes dans le grand artisanat. En termes de recherche de qualité, nous n’avons pas de limites. La famille est formidable et toujours derrière nous en disant : « Faisons le meilleur Larcis possible, rendons hommage à cette grande qualité du terroir. » Ce n’est pas par les volumes que Larcis s’imposera.

Il y a 3 œnologues intervenant sur le vin : Nicolas Thienpont, Julien Lavenu (Derenoncourt Consulants), et vous : Comment partagez-vous les rôles ?

DS : C’est assez simple. Nous nous connaissons depuis 20 ans et notre travail est collégial. Nous nous retrouvons tous pour définir la direction du vignoble et du vin. Les choses se passent naturellement, simplement et intimement entre nous.

AG : C’est vraiment merveilleux de voir à quel point le travail d’équipe peut enrichir une entreprise. Le partage d’expérience entre les membres de l’équipe est précieux. Les regards croisés contribuent grandement à nourrir les esprits et à favoriser un environnement où chacun peut apprendre et se développer.

G : En quoi Larcis Ducasse est unique ? Et comment se distingue-t-il ?

AG : L’authenticité de Larcis Ducasse réside principalement dans son terroir. Niché sur la prestigieuse côte sud de Saint-Émilion, le vignoble profite des sols riches en molasses du Fronsadais (85 % de l’assemblage) et de l’argilo-calcaire du plateau (15 % de l’assemblage). Ce terroir lui confère une finesse exceptionnelle, se traduisant par des arômes délicatement floraux et une fraîcheur persistante. Cette fraîcheur unique lui confère une énergie très particulière et à une belle maturité, favorisée par des sources naturelles qui apportent une irrigation douce grâce à la topographie en pente du domaine.

DS : Larcis Ducasse est caractérisé par un parfum envoûtant et séduisant, influencé par le calcaire qui domine son terroir exposé au sud, et par ses sources qui maintiennent le sol frais. Ce vignoble se distingue par un contraste marqué entre l’ensoleillement intense de son exposition et la fraîcheur de ses sols, parmi les plus frais de l’appellation.

Ces sols sont les plus frais pour diverses raisons : ils sont calcaires, argileux et irrigués toute l’année. Même pendant l’été, la source ne manque jamais d’eau. Ce sont des sols qui se réchauffent très lentement. Les dernières études climatiques de l’appellation le confirment. Ici, les débourrements sont très précoces. Les secteurs de Cheval Blanc, Figeac et des coteaux sud de Saint- Émilion débourrent au même moment.

La date de débourrement est indépendante du sol et uniquement impacté par la température extérieure. Cependant, au cours de la saison, l’écart se creuse entre les sols frais et les sols plus chauds. La vigne est une plante pérenne qui régule sa température par le sol. Sur les coteaux, le cycle est ralenti et beaucoup plus long. Certes, le débourrement est très précoce, mais la floraison arrive avec 5 à 6 jours de retard par rapport à Cheval Blanc, la véraison a lieu 10 jours plus tard et la récolte a même lieu 15 jours plus tard.

C’est donc un cycle plus lent. L’idée selon laquelle nous aurions ici des récoltes très précoces et que nous serions davantage impactés par le réchauffement climatique n’est pas exacte. Nous ne sommes pas du tout pessimistes pour l’avenir. Mais comme tout le monde, nous devons adapter nos pratiques pour faire face à ces changements.

La quelles de vos réalisations récentes aimeriez-vous partager avec la clientèle ?

AG : Il y a deux ans, nous avons inauguré un nouvel espace de chai à barriques qui reflète nos racines familiales. En effet, la famille Raba était armateur à Bordeaux, et pour honorer cette histoire, nous avons fait construire la coque d’un bateau, renversée, qui constitue désormais une partie de notre chai. Nous accordons une grande importance à l’accueil des clients à la propriété, car nous croyons fermement à l’importance des liens que nous créons avec eux. C’est dans cet espace chaleureux et familial que nous aimons partager notre passion, notre histoire et nos vins, offrant ainsi à nos visiteurs une expérience unique et mémorable.

G : Où en est votre propriété en matière de « transition écologique » ?

DS : Notre approche ne se limite pas strictement au biologique, car cela pourrait être trop contraignant. Cependant, nous nous rapprochons étroitement des normes du cahier des charges bio. Notre objectif est de trouver un équilibre, et notre travail dans le vignoble est fortement orienté vers la promotion de la biodiversité. En vous promenant à travers nos vignes, vous pourrez observer une abondance de vie dans un cadre verdoyant, agrémenté de haies et de bois.


Le Commerce

G :  Que faites-vous concrètement pour le développement commercial ?

AG : Nous organisons régulièrement des master-classe pour promouvoir nos vins. Actuellement, nous avons une réelle volonté de comprendre où se situe Larcis Ducasse sur le marché, où nos vins sont distribués, et à qui ils sont vendus. Le contrôle de l’image de Larcis Ducasse revêt une grande importance pour nous, c’est pourquoi nous nous déplaçons fréquemment pour rencontrer nos partenaires et clients. Avoir une connaissance approfondie de notre marché est essentiel pour élaborer des stratégies de développement adaptées.

G : Vendez-vous toujours principalement en Primeurs ?

AG : Oui, 88 % de la récolte est proposé pendant la campagne primeurs. Nous conservons toujours un petit peu de stock pour alimenter le marché sur des demandes spécifiques.

G :  A quels millésimes le marché devrait s’intéresser ? Et pourquoi ?

AG : Sans surprise, je mentionnerais le millésime 2021. Bien qu’il ne soit pas considéré comme exceptionnel et donc moins attendu par le marché, je le trouve remarquable et distinctif par sa beauté. Les années plus difficiles révèlent souvent les grands terroirs, et celui-ci se distingue par son élégance particulière. Malheureusement, il n’a pas rencontré le succès qu’il méritait.

DS : Je suis entièrement d’accord avec Ariane sur ce point. Le millésime 2021 nous a procuré beaucoup de satisfaction malgré les défis rencontrés au cours de l’année. C’est dans de telles circonstances que la grandeur du terroir et la qualité de notre équipe se révèlent. Dans un millésime difficile, il est essentiel d’être présent et de bien se comprendre. En ce qui concerne les assemblages, les choix étaient clairs, ce qui a permis de distinguer nettement le premier vin du second. Nous avons hâte de le voir sur les tables. Il est vrai que le marché est saturé par l’image du millésime 2021 à Bordeaux, qui est réputé pour sa grande hétérogénéité.


La bouteille de cœur D’Ariane et de David

G :  Si vous aviez une seule bouteille de cœur ? 

AG : Je choisirais un magnum de 2009. En magnum, le vin est toujours plus explosif en termes de saveurs. Le millésime 2009 offre une très belle densité avec des notes orientales et une magnifique maturité. J’ai également un penchant pour le millésime 2005, qui a obtenu 100 points de la part de Robert Parker. C’est un millésime qui conservera son sérieux tout au long de sa vie, contrairement au 2009, qui est plus détendu. Le 2005 est un grand millésime grâce à la richesse de son sol, sa densité et son équilibre, mais il est plus difficile à apprécier dans l’immédiat. Ces vins nécessitent une préparation minutieuse et un accompagnement approprié. Le 2009 a cette qualité d’offrir un plaisir immédiat grâce à sa nature plus solaire.

G : Pour vous David, quelle millésime parmi la trilogie de 2018, 2019 et 2020, préférez-vous ?

DS :  Le millésime 2018 est le plus solaire des trois, de manière générale à Bordeaux. Il a ce côté oriental, exubérant et il est très généreux. Le 2019 est plus discret, il joue sur la délicatesse, il est frais et racé. Il possède la même profondeur que les très grands millésimes, mais il est moins démonstratif. Il est floral, épicé. Tout est mesuré dans le 2019. Le 2020 est encore très différent. C’est un millésime qui combine à la fois une densité, noirceur des fruits avec une grande fraîcheur, ce qui est assez inhabituel.

G :  J’ai vu dans le beau chai d’élevage que vous travaillez maintenant avec des barriques de 500 litres, des foudres, et des « wine globes ». Qu’est-ce que ces contenants vous apportent-ils de nouveau  ?

DS : Nous utilisons les foudres depuis trois ans. Nous avons augmenté légèrement la proportion de cabernet franc ici à la propriété. Notre objectif est d’atteindre entre 15 et 20 %, alors que nous étions entre 8 et 10 %. Nous avons un lot de cabernet franc dans les molasses du Fronsadais qui, selon nous, doit être élevé en foudre en raison de leur structure délicate et afin de préserver leur éclat aromatique.

Il y a six ans, nous avons commencé à travailler avec des «wine globes », étant l’un des domaines pilotes, ils étaient dissimulés dans le chai. Pour nous, les «wine globes » ne sont pas un moyen d’élevage assumé, mais plutôt des témoins d’élevage. Ils nous permettent de suivre l’évolution du vin par lui- même, en comparaison avec le vin élevé en bois et exposé à l’oxygène. Cela nous aide à mieux piloter les élevages en bois, les « wine globes » servant de tableau de bord. Ensuite, nous avons commencé en 2012 à travailler avec des barriques de 500 litres. Nous avons des terroirs qui nécessitent des barriques de 225 litres pour affiner les tanins, mais sur les terroirs très calcaires, la barrique de 225 litres altère légèrement la structure. Aujourd’hui, près de la moitié de notre volume est élevée dans des barriques de 500 litres, ce qui est unique à Bordeaux. Actuellement, nous avons 45 % du volume élevé en barriques bordelaises, 45 % en barriques de 500 litres et 10 % en foudres. C’est le résultat de notre compréhension de plus en plus détaillée du terroir de Larcis Ducasse.

G : Pensez vous que ce changement d’élevage est aussi lié au changement de goût des consommateurs qui apprécient plus de fraîcheur dans le vin ? Ou peut-être simplement un phénomène de mode ?

DS : J’espère et je ne crois pas que nous cherchons à nous adapter aux goûts des consommateurs. Nous risquerions de perdre notre identité dans ce cas. Bien sûr, il est nécessaire de se tenir informé de ce qui se passe sur le marché, d’écouter et de comprendre les évolutions des goûts, mais je n’ai jamais eu le sentiment que nous avions modifié des choses pour satisfaire le consommateur.

En revanche, il est évident que notre évolution ne s’arrêtera jamais. Il est intéressant de constater, lorsque nous dégustons à nouveau les millésimes 2005 et 2009 dont nous avons parlé, qu’avec la compréhension accrue du terroir et le niveau de connaissance actuel, nous vinifierions différemment ces vins aujourd’hui. Nous apprenons énormément car nous passons de plus en plus de temps sur le domaine. Chaque millésime est une nouvelle expérience qui nous enrichit, surtout lorsque nous redécouvrons les vins 10, 15 ou 20 ans plus tard. Nous sommes toujours à la recherche de points d’amélioration. C’est ce qui nous pousse à constamment à évoluer et à expérimenter en matière de vinification et d’élevage, bien plus que le simple goût du consommateur. Pour un domaine comme Larcis Ducasse, notre objectif principal est de nous inscrire dans la lignée des millésimes précédents, car la richesse de Larcis Ducasse réside dans son histoire et dans la continuité des grands millésimes.

Nous avons la chance que le terroir et l’identité de Larcis Ducasse soient forts et nous devons les préserver. C’est notre guide principal. Ce qui nous pousse également à progresser est la recherche de la pureté dans l’expression du vin. Si nous parvenons à mettre en bouteille un vin qui exprime pleinement le terroir, avec son parfum et son équilibre, sans que notre intervention soit trop prononcée, alors nous aurons accompli notre mission. À chaque étape, il est essentiel d’accompagner le vin, mais le plus grand compliment que l’on puisse nous faire est lorsque l’on reconnaît le style unique de Larcis Ducasse.


Le coup de cœur de Gerda : Larcis Ducasse 202     

J’ai toujours beaucoup aimé Château Larcis Ducasse dont la discrétion est cachée derrière son imposant voisin, un Premier Cru Classé A de Saint Emilion. Le 2021 a un nez très floral. En bouche la tension verticale a beaucoup de fraîcheur. L’équipe de Larcis a accompagné ce millésime délicat, fruit d’un grand terroir, pour faire un vin agréable et apaisé. Il devrait évoluer favorablement au cours des années, gagnant en complexité.

 

 

 

 

 

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.