Charles Perrin
Co-propriétaire Château de Beaucastel
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La cuvée Hommage à Jacques Perrin du Château de Beaucastel, emblématique de l’appellation Chateauneuf-du-Pape, est considérée comme l’un des plus grands vins du monde. Reflétant parfaitement la philosophie de la Famille Perrin, qui voit dans un grand vin une émotion intemporelle et un symbole de civilisation, cette cuvée mythique a été lancée en 1989. Charles Perrin, était à Bordeaux pour la dégustation Hors Bordeaux, organisée par Excellence Vin. C’était l’occasion idéale de lui poser quelques questions.
Présentation
Gerda : Vous êtes la 5ème génération à cultiver à et vinifier des vins de la famille et l’un des 7 cousins propriétaires, qui ont tous un pied dans la vigne, dans la cave et sur le marché. Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?
Charles Perrin : C’est une question vaste. Nous faisons face à plusieurs enjeux. Nous sommes une famille, la 5ᵉ génération à la tête de la propriété, avec neuf membres qui travaillent ensemble : sept de la 5ᵉ génération, deux de la 6ᵉ génération qui arrivent, et bientôt la 7ᵉ génération. Le défi de la transmission est essentiel. C’est un moteur pour nous : rester en famille est notre objectif.
En ce qui concerne notre organisation, nous essayons d’être capables de tout faire, c’est l’idée de notre fonctionnement. Chacun commence sa carrière dans la vigne ou la cave, et selon les sensibilités de chacun, la personne s’oriente ensuite vers le commerce ou reste dans la cave. Mais il est important que chacun connaisse toutes les facettes de notre métier. Nous ne nous interdisons pas de changer de poste tous les 5 ou 6 ans. Une personne en charge du commerce peut ensuite s’occuper d’un domaine, puis d’une vinification, et retourner sur les marchés. Il n’y a pas de rôles figés. Comment cela va-t-il se dérouler ? Comment s’organiser pour préserver cette entente familiale et assurer la pérennité de l’entreprise ? C’est un défi de tous les jours. Un autre défi majeur est bien sûr le réchauffement climatique. Je pense que c’est l’un des plus grands défis actuels de notre métier. Comment allons-nous vinifier dans 30 ans avec ce réchauffement ? Nous en ressentons déjà les effets dans les vignes. Une autre inquiétude est la tendance actuelle à considérer l’alcool comme tabou dans notre société. La nouvelle génération consomme moins d’alcool, et il faut réfléchir à cela également. Mais le défi le plus important reste le temps qui passe. Le temps est un allié merveilleux dans le vin, car il l’améliore. L’avenir est à la fois excitant et un peu angoissant.
La marque Hommage à Jacques Perrin Beaucastel Aujourd’hui
G : Quel positionnement souhaitez-vous pour cette marque, et en quoi se distingue-t-elle ? Qu’est-ce qui la rend unique ?
CP : Le premier millésime a été élaboré en 1989, tandis que le premier millésime commercialisé sur la Place de Bordeaux date de 2009, suivi de 2011. Il s’agit du premier vin en dehors de Bordeaux proposé sur la Place, soit 30 ans après sa création. Avant d’être distribué via la Place de Bordeaux, Hommage était un vin secret. Il n’apparaissait pas sur nos tarifs et seuls quelques restaurants étoilés et amis y avaient accès. Le but de le mettre sur la Place, et de rejoindre ce marché des Grands Vins, était de sortir de cet anonymat, de lever le voile sur ce secret, et d’atteindre des marchés à l’étranger qui n’avaient jamais entendu parler de ce vin. C’est un vin iconique avec lequel nous entretenons une relation particulière. Il est issu d’une seule parcelle, ce qui lui confère une grande exclusivité, et il est produit en quantités très limitées (10 000 bouteilles). Son positionnement est unique notamment en raison de son encépagement, qui est majoritairement composé de mourvèdre, dans une région où le grenache est généralement dominant. Ce vin est toujours cultivé en agriculture biologique et a toujours été en décalage avec les tendances du marché.
G : Le Château de Beaucastel est en pleine transformation. Le nouveau chai sera opérationnel pour cette vendange. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce projet ?
CP : La première vendange qui sera entièrement réalisée dans ce nouveau chai sera celle de 2024. J’ai grandi au Château de Beaucastel, où notre maison était attenante à celle de ma grand-mère. Mon grand-père est décédé jeune, en 1979, après avoir passé près de 40 ans avec elle, mais elle a également vécu presque 40 ans sans lui. Pour elle, cet endroit avait une grande valeur sentimentale. Beaucastel a toujours été une belle propriété, mais nous n’y avions jamais vraiment marqué notre empreinte. Chaque fois que nous souhaitions abattre un arbre ou simplement repeindre, ma grand-mère nous rappelait : « C’est ton grand-père qui a planté cet arbre » ou « C’est lui qui a choisi cette couleur de peinture. » Cela rendait difficile pour nous, la nouvelle génération, d’imposer notre vision, car l’ombre de mon grand-père planait toujours. Lorsque ma grand-mère est décédée, bien que nous ayons ressenti une grande tristesse, nous avons compris que c’était le moment propice pour entreprendre des rénovations. Nous avons lancé un concours, ce qui est assez rare dans notre région. Ce concours a rencontré un succès incroyable : 1300 candidatures ont été soumises, provenant de 20 nationalités différentes. Le gagnant était un architecte indien, Bijoy Jain (Studio Mumbai), qui a eu une idée géniale. Il nous a dit : « Votre grand-mère avait raison, il ne faut rien toucher, sauf si les changements viennent de vous. Nous allons reconstruire le nouveau Beaucastel avec l’ancien Beaucastel. 80 % des matériaux que nous allons utiliser proviendront du site. » Nous avons excavé un trou de 50 par 50 mètres et de 15 mètres de profondeur, remontant ainsi à 15 millions d’années. Avec cette terre, nous avons construit une partie de Beaucastel, mais aussi avec d’anciens bétons, bois, tuiles, etc. Nous avons reconstruit avec l’existant. Il n’y a pas de béton classique, ni de fer. Tout est construit en terre, sans armature, simplement grâce aux calculs ingénieux de l’architecte. Ce projet a été très long, car tout a été réalisé avec la terre du site. Nous sommes revenus à l’origine. C’est le plus grand bâtiment réalisé à ce jour avec cette technique. Aujourd’hui, ce projet peut sembler un peu surréaliste, mais je suis convaincu qu’avec le temps, nous comprendrons mieux ses raisons et sa mise en œuvre. Le bâtiment est autonome en électricité, en eau et en matériaux. C’est un projet écologique, mais pas uniquement conçu dans cette optique. Chaque jour, nous sommes émerveillés par ce projet. Ce qui est remarquable, bien que les travaux soient visibles, c’est que l’impact de l’architecte est presque imperceptible. Il nous a confié : « Je ne veux pas laisser de traces, car je ne suis pas la star. La star, c’est le vin ! »
G : Sur quels autres projets futurs travaillez-vous en ce moment ? (Techniques, marketing, ou commerciaux)
CP : Nous travaillons constamment sur de nouveaux projets, car nous avons un esprit entrepreneurial. Nous sommes nombreux, ce qui nécessite d’occuper tout le monde. Les enfants vont bientôt arriver, et notre objectif est que chacun puisse trouver sa voie et s’intégrer dans la société, quel que soit le métier qu’ils choisissent. Nous avons déjà diversifié nos activités dans plusieurs régions viticoles*. Que ce soit en Provence avec Miraval, en Champagne, aux États-Unis, ou dans les régions du Rhône Nord et Sud, notre présence est désormais étendue. Récemment, nous avons lancé une marque de spiritueux nommée The Gardener**. Nous avons également une marque de cosmétiques haut de gamme appelée Beau Domaine***. Nous avons encore de nombreux projets diversifiés, notamment dans la réalisation de documentaires et dans le secteur de la restauration. Ce qui est très excitant dans notre métier, c’est que nous ne nous interdisons rien. Nous veillons à ce que chacun s’épanouisse, afin de rester unis en famille et de maintenir une harmonie entre nous. Nous ne forçons personne; il est essentiel que les talents de chacun puissent s’exprimer, toujours dans un cadre respectueux. Cela doit être épanouissant, car la frustration au sein de la famille peut être très néfaste, et nous devons lutter contre cela.
Le Commerce
G : Hommage à Jacques Perrin est vendu par la Place de Bordeaux depuis 2011, pourquoi avez-vous pris cette décision ?
CP : Tout d’abord, c’était une opportunité d’être les premiers. Nous aimons l’idée d’être des pionniers. Nous exportons déjà 80 % de nos vins, mais le travail que réalise la Place est une formidable machine commerciale. Cela donne envie, et il est excitant d’être distribué par elle. Si d’autres domaines l’avaient fait avant nous, nous ne l’aurions peut-être pas fait. Mais le fait d’être les premiers, et surtout après avoir entendu des gens nous dire: « Pourquoi allez-vous là-bas ? C’est Bordeaux » avec l’image que nous, les autres régions viticoles, avons de Bordeaux…Et cela nous a, au contraire, encouragés à y aller.
Et c’est précisément parce que ce n’est pas notre univers habituel que nous sommes attirés par l’idée d’explorer et de comprendre le fonctionnement du système bordelais. Bordeaux et sa Place ont souvent été pionniers et ont ouvert de nombreux marchés. On retrouve souvent le même schéma: Bordeaux arrive, défriche le marché, puis viennent d’autres régions comme la Loire, la Bourgogne, puis ensuite la Vallée du Rhône qui arrive encore après, car les moyens des vignerons y sont moins importants. Il était également important pour nous d’atteindre d’autres régions, comme l’Asie. J’ai fait de nombreux voyages commerciaux avec des négociants de la Place dans cette région. La force de la Place est incroyable. Il n’existe aucun autre système de commercialisation des vins dans le monde capable de toucher une région aussi vaste et complexe.
L’idée était donc de bénéficier de ce que la Place peut offrir, mais aussi d’apprendre de ces grandes maisons de négoce, qui distribuent des vins historiques, et de comprendre cette mécanique. C’était notre souhait de faire partie de cet univers. Nous avons mis au début uniquement la cuvée Hommage à Jacques Perrin sur la Place, car nous avons déjà une distribution solide pour le reste de nos vins. Nous ne souhaitions pas abandonner nos partenaires historiques. La seule petite exception est qu’en Chine, il y a sept ans, nous avons confié également l’intégralité de nos cuvées, y compris Château de Beaucastel, à la Place de Bordeaux.
G : Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez pris cette décision de vendre tous vos vins par la Place de Bordeaux pour la Chine ?
CP : Avant que la crise affecte la Chine, le marché chinois était déjà extrêmement complexe. Nous n’avions pas beaucoup d’options : soit nous continuions en vendant quelques bouteilles chaque année en nous disant que ce marché n’était pas fait pour nous et qu’il ne valait pas la peine de s’y engager, soit nous devions investir des moyens énormes, mais nous ne produisons pas assez pour justifier la présence de personnes dédiées uniquement à ce marché. Une autre option était de passer par l’une des plus grandes réussites en matière de distribution, à savoir la Place de Bordeaux, avec tous ses négociants qui permettent de toucher toutes les villes et les distributeurs.
Le marché chinois est tellement morcelé, avec une multitude d’acteurs différents, tels que les importateurs, les distributeurs et les clients finaux, qu’il est nécessaire d’être présent sur plusieurs canaux, partout et tout le temps. Même les grands groupes ont du mal à s’y retrouver. La Place a l’avantage de toucher un maximum de clients en très peu de temps. J’ai beaucoup soutenu nos partenaires en effectuant des tournées avec certains d’entre eux. Beaucastel et la famille Perrin sont aujourd’hui les marques du Rhône les plus connues en Chine. Ce n’était pas le cas avant que nous ayons mis nos vins sur la Place. Je continue de faire des tournées en Chine et je constate que beaucoup de mes confrères se sont arrêtés, mais j’y étais en juillet et j’ai constaté qu’il y a encore une demande pour nos vins. Effectivement, les ventes ont baissé, mais pour nos vins, elles ne se sont à l’arrêt. La marque reste encore assez forte en Chine, et je suis très content du travail accompli ces dernières années.
G : Et comment jugez-vous le marché chinois actuellement ?
CP : Pour les grands vins, le marché est à l’arrêt, mais nous vendons également des vins d’entrée de gamme, comme des Côtes du Rhône, des Luberon et des Ventoux. Nous avons des importateurs et des distributeurs pour ces vins qui continuent à se vendre. Bien que la demande ait baissé en général, ce marché n’est pas complètement à l’arrêt. Pour les grands vins, c’est plus difficile. Il y a une perte de confiance. Une grande partie des vins achetés par les Chinois ne sont pas consommés, ce sont des vins chers et spéculatifs. La valeur perçue des vins est moins forte. Les gens croient moins en cela. Il faut faire des efforts pour inverser cette tendance. Les prix ont fortement baissé, ce qui n’est pas vraiment en accord avec notre philosophie. Nous ne voulons surtout pas effrayer le marché et nous souhaitons donner confiance dans nos marques. Nous ne sommes pas pressés. C’est l’avantage de travailler en famille, avec une vision à long terme. Nous nous attendons à traverser 1 à 2 années compliquées, mais nous réfléchissons déjà au marché dans 3 ans, en pensant à long terme et en préservant l’image du domaine plutôt que de se concentrer sur des questions économiques à court terme. Nous ne voulons pas jouer au yoyo avec les prix. Ce n’est pas la mentalité de la Vallée du Rhône, et de toute façon, nos vins ne sont pas très spéculatifs. Tant mieux d’ailleurs. Ce sont des vins qui se boivent et sont faits pour être dégustés. Il est important que cela reste le cas. Si nous commençons à voir des vins stockés et non consommés, cela peut faire monter les prix, ce qui est génial, mais aussi dangereux. Notre politique est axée sur une augmentation lente et maîtrisée. Mais nous croyons dans l’avenir du marché chinois, et c’est pour cela que j’y retourne. J’adore ce marché.
G : Comment voyez-vous l’évolution du marché de vin pour le reste du monde ?
CP : Je pense que pour les domaines très connus et les marques fortes, il y aura toujours des opportunités. Je m’inquiète peu. Le vin se boit toujours, et les gens aiment le vin. Effectivement, en période de crise, le vin n’est pas forcément le premier produit consommé. Mais le monde est vaste, et certains pays sont en croissance. J’ai peu de crainte. Je crois qu’aujourd’hui, pour des sociétés comme la nôtre, il est essentiel de se diversifier : il faut proposer des vins d’entrée de gamme ainsi que des vins haut de gamme. Il est important d’avoir des vins pour l’on-trade (restauration) et pour l’off-trade (distribution) afin de limiter les risques. Il faut être très attentif au prix, car le client ne veut plus se faire avoir. Le marché est tellement ouvert que tout le monde connaît les prix. Par exemple, au restaurant, le consommateur peut vérifier le prix à table en quelques secondes. Si nous faisons des erreurs, nous risquons de détruire l’image de nos domaines très rapidement, car si le consommateur a l’impression d’être trompé, cela peut marcher une fois, mais nous risquons de le perdre ensuite. Il est crucial d’agir avec prudence et d’éviter les coups de marketing spectaculaires. Cela ne fonctionne plus dans le marché actuel. En Chine, il y a trop de domaines qui ont créé des marques « factices » avec des noms similaires à ceux des grands noms, ce qui a saturé le marché. Je suis souvent surpris de voir des marques françaises inconnues dans des entrepôts en Chine, prétendant être des grands vins. Cela est terrible pour le marché. Sur le court terme, ils peuvent connaître un succès, mais sur le long terme, cela sature le marché, crée de la confusion et nuit à la confiance. C’est pourquoi les domaines les plus stables, comme le nôtre, continuent à vendre car le marché nous fait confiance. Ceux qui ont joué avec le feu en payent les pots cassés. Il y a 15 ans en Provence, la vente de vin était difficile, à l’exception d’un ou deux domaines. De nombreux viticulteurs arrachaient leurs vignes, et la région se concentrait principalement sur les maisons secondaires pour les vacances. Cependant, ces dernières années, le marché a connu un essor remarquable.
Il y a 30 ans, la région du Rhône était en crise, mais dix ans plus tard, elle a retrouvé un dynamisme incroyable. Aujourd’hui, les Côtes du Rhône font face à des difficultés et le marché est en pleine restructuration. Cela illustre un cycle perpétuel, et il est crucial d’apprendre de notre passé, car le marché évolue constamment. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de produire un peu moins tout en continuant à investir dans la qualité et à établir un lien avec les consommateurs. Adopter une politique commerciale cohérente est essentiel pour instaurer la confiance. Nous avons la chance de travailler avec un produit intemporel : le vin. Les préférences peuvent évoluer selon les tendances du marché, mais je reste optimiste. Il est important de rester à l’écoute et de travailler avec diligence. Depuis 10 à 15 ans, nous étions conscients que cette crise pourrait survenir un jour, et nous la rencontrons maintenant.
G : Comment jugez-vous le marché Américain qui est l’un des marchés clés pour vous ?
CP : Oui, les États-Unis sont notre premier marché pour certaines marques, dont La Vieille Ferme. C’est un marché mature et bien développé. Aujourd’hui, il ne faut pas s’attendre à une croissance énorme, mais c’est un marché incroyablement dynamique qui continue à consommer beaucoup de vin. Nous en sommes ravis. J’étais à New York il n’y a pas longtemps, et les gens continuent à consommer des grands vins. C’est aussi un pays qui semble prometteur pour l’avenir. Les rosés ont un peu stagné, ce qui est logique après une telle croissance ces dernières années. Nous sommes désormais dans une phase de stabilisation.
G : Y a-t-il un marché que vous aimeriez explorer ?
CP : Je pense à la Thaïlande **** et j’y vais en octobre. C’est un marché intéressant et dynamique. C’est d’abord un marché touristique avec une forte culture culinaire. Beaucoup de sociétés asiatiques ont transféré leurs sièges à Bangkok, ce qui crée un beau dynamisme pour l’Asie. Il y a aussi la « folie » de Dubaï en ce moment. Ce n’est pas un grand marché, mais il est important d’y être présent pour l’image. C’est le seul endroit au monde où il n’y a pas de crise. Chaque jour, 15 nouveaux restaurants ouvrent leurs portes, et le rythme de construction d’immeubles est tout aussi impressionnant. C’est très excitant. Ils veulent vraiment créer le Hong Kong des années 80 et 90. Dubaï est un hub pour le reste de la région. Ce sont deux marchés, bien que encore petits, qui sont très prometteurs, et c’est passionnant de voir comment ils évolueront. Lorsque la morosité règne ailleurs, il y a toujours des endroits où l’excitation est folle.
G : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial pour Hommage à Jacques Perrin ? La production est autour de 10 000 bouteilles. Est-ce un handicap, cette petite production ?
CP : Oui, vous avez raison. Hommage manque un peu de visibilité. Notre objectif est d’être présent sur les tables des restaurants dans la plupart des pays. A mon sens, c’est là que se réunissent les meilleures conditions de dégustation, sans oublier le conseil, l’explication et l’éducation, ce qui reste crucial. J’encourage donc mes distributeurs et négociants à se concentrer sur le secteur de la restauration. Un vin servi à table est un vin à la fois visible et consommé. Ensuite, nous essayons, et nous ne l’avons peut-être pas assez fait sauf en Chine, d’organiser des événements autour de dîners. Nous sommes 9 membres de la famille qui peuvent se déplacer pour animer des repas, que ce soit en Suisse, aux États-Unis ou au Japon. Nous voyageons beaucoup et j’encourage ces déplacements pour réaliser des verticales de Hommage et faire comprendre ce qu’est Hommage. Ce sont des grands vins de garde. Évidemment, La Place comprend bien ce que sont les grands vins de garde, mais il faut le faire comprendre aux consommateurs en faisant goûter plusieurs millésimes pour s’imprégner du concept. Mais j’admets que le focus est compliqué par la petite production. Quand un négociant a 500 bouteilles à vendre, il mettra peut-être un peu moins d’énergie s’il en a 6000. Néanmoins, cette petite production de Hommage est l’une des spécificités que nous tenons à préserver.
Le Millésime 2022 de Hommage à Jacques Perrin
G : Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le millésime 2022 qui est mis sur la Place début septembre ?
CP : C’est un joli millésime, très équilibré, après deux années chaudes : 2019 et 2020. Le millésime 2019 chez nous a été plus chaud que 2020, tandis que 2021 a été plutôt frais, avec quelques épisodes de grêle.
Le millésime 2022 pourra être dégusté plus tôt que nos millésimes chauds, tout en ayant un potentiel de vieillissement supérieur à celui de 2021. En 2022, nous avons bénéficié d’un très beau mois de septembre, ce qui nous a permis de vendanger le mourvèdre, le cépage principal d’Hommage, très tardivement. Cela a conduit à une superbe maturité. Le fruit est très agréable. Le mourvèdre a tendance à être un peu fermé dans ses premières années, mais en 2022, il s’ouvre assez tôt, et cela devrait se poursuivre. C’est là son atout majeur.
G : Vous avez mentionné que Hommage à Jacques Perrin est un vin de grande garde destiné à la restauration. Sachant que les restaurateurs conservent peu de stocks, la mise en marché du millésime 2022 ne contredit elle pas votre politique commerciale ?
CP : Oui et non. La majorité des propriétaires mettent sur le marché le dernier millésime, et il est important de suivre cette politique. Les années précédentes, nous avons toujours complété la mise en marché de septembre avec un millésime décalé. Cette fois, nous avons choisi de ne pas le faire pour deux raisons : premièrement, nous attendons la fin de nos travaux pour créer une caisse œnothèque de Hommage à Jacques Perrin avec plusieurs millésimes. Nous en parlerons à La Place prochainement. Deuxièmement, nous avons déjà sorti pas mal de vieux millésimes dans le passé et nous savons que nous sommes dans une période de transition sur le marché. Nous ne voulons pas mettre trop de vins sur La Place et saturer le marché cette année. Nous préférons limiter le stock disponible. Cela dit, il est agréable de proposer un vin qui a 10 à 15 ans. Nous demandons à nos clients de faire un effort pour conserver un stock de nos vins, comme le font de nombreux domaines avec leurs clients.
La Bouteille de cœur de Charles Perrin
G : Quelle est votre bouteille de cœur ?
CP : C’est un Hermitage Blanc de Jean-Louis Chave qui s’accompagne de nombreux souvenirs inoubliables. Cette bouteille date de mon année de naissance, 1979, et je l’avais ouverte pour mes 40 ans. C’est une bouteille de notre cave sur laquelle mon père avait marqué « pour Charles ». Il l’avait placée dans mon casier. C’était un moment formidable lorsque je l’ai ouverte. Même si 1979 n’est pas un millésime incroyable dans la vallée du Rhône, cette bouteille avait une fraîcheur inoubliable. Elle offrait une minéralité pure, sans l’opulence que l’on trouve parfois dans les Hermitage Blancs. Le vin avait un squelette très tendu, précis, et droit. Il y avait une pureté dans le vin qui me marque encore. À l’aveugle, j’aurais pensé que c’était un vieux Meursault, mais pas un vin de 40 ans, plutôt autour de 25 ans. C’était l’une de mes dernières grandes émotions.
Note:
* Le Rhône septentrional : des vins provenant d’appellations comme Côte-Rôtie et Crozes-Hermitage.
La Provence : en collaboration avec l’acteur américain Brad Pitt sur le domaine Miraval.
La Californie : en collaboration avec la famille Haas, les Perrin ont créé le domaine Tablas Creek Vineyard dans la région de Paso Robles.
Le Champagne : en collaboration avec Brad Pitt et le Champage Péters.
** en collaboration avec le distillateur de renommée mondiale Tom Nichol et Brad Pitt.
*** en partenariat avec Brad Pitt
**** Depuis le 23 février 2024, date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, la Thaïlande a éliminé les droits de douane sur les importations de vin
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.