Inside La Place – Œnotourisme & Ambition : Jean-Christophe Meyrou, un directeur de domaine visionnaire

Jean-Christophe Meyrou

Directeur Général Vignobles K

Après avoir achevé ses études, une belle carrière à l’étranger et à Bordeaux (Vignobles Péré-Vergé et Adams) c’est en 2014, que Jean-Christophe Meyrou intègre Vignobles K et rejoint Peter Kwok. Alors il prend en charge l’ensemble des propriétés du groupe, dont Château Haut-Brisson, Château Tour Saint-Christophe, Château La Patache et Enclos de Viaud. Sous sa direction, Vignobles K a lancé la petite pépite de Pomerol, Enclos Tourmaline et en 2018 Vignobles Kwok acquière Château Bellefont-Belcier, Grand Cru Classé de Saint Emilion.


Présentation 

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés personnellement, dans la pratique de votre métier ?

Jean Christophe Meyrou : Mon métier est diversifié. Lorsque l’on dirige des propriétés, on gère à la fois la technique, la distribution et la communication. Mais au-delà de tout cela, on gère l’économie du domaine. Dans mon cas, je dirige des domaines appartenant à des investisseurs, notamment la famille Kwok de Hong Kong. Le principal défi est de réaliser des investissements qui tiennent la route financièrement. Je ne m’engage pas sur des domaines « diva », c’est-à-dire des domaines qui ne sont pas viables financièrement. C’est le plus difficile.

Aujourd’hui, lorsqu’on achète des domaines, on les paie à un certain prix par hectare. Ensuite, nous sommes confrontés à la réalité du marché du vin, qui n’est pas toujours en adéquation avec le prix du foncier. Il faut créer une entreprise qui a du sens, qui s’autofinance, pour éviter de constamment solliciter les propriétaires pour des fonds. C’est mon principal défi. Nous nous sommes engagés sur tous nos domaines à faire monter les marques en puissance. Évidemment, il y a la question du prix, que nous augmentons progressivement. Je ne suis jamais entré dans le « yoyo bordelais » en termes de prix. Nous essayons d’augmenter les prix de manière douce et continue, pour ne pas choquer le marché avec des hausses soudaines de +30% suivies de baisses de -20%. Il s’agit donc de valoriser les produits tout en maîtrisant les coûts de production. Notre objectif est de produire du premier vin, pas du second vin. Cela nécessite des vignes en bon état, ce qui nous pousse à restructurer en permanence nos domaines. Lorsque nous sommes arrivés en 2011 au Château Tour Saint Christophe, nous avons arraché la moitié des vignes. C’était coûteux mais nécessaire. Il vaut mieux avoir des vignes jeunes et de qualité que des vieilles vignes qui ne remplissent pas leur rôle. Aujourd’hui, nous produisons environ 95 000 bouteilles de premier vin sur 22 hectares, ce qui a un sens économique. La pérennité financière est liée à la quantité produite, à la qualité du vin, à la maîtrise des coûts et aux apports financiers liés aux activités annexes. En ce qui concerne ces activités annexes, nous nous sommes engagés dans du conseil en Italie et en France. Nous développons également des marques comme « Right Bank » et « Axiome, des vins qui nous permettent de générer du chiffre d’affaires tout en ouvrant de nouveaux marchés auxquels nous n’avons pas forcément accès avec Château Bellefont Belcier ou Château Tour Saint Christophe. Tout cela contribue à une activité pérenne, et nous permet aussi de sortir de notre « zone de confort ».


La marque Vignobles K  Aujourd’hui & Demain

G :  Quel(s) positionnement(s) souhaitez-vous pour votre/vos marque(s) ? 

JCM : À Tour Saint Christophe, nous avons atteint une forme de maturité. La distribution est solide, et malgré un contexte compliqué, nous avons réalisé une belle campagne Primeurs 2023. La propriété a été classée en 2020. La marque va probablement marquer un pallier pendant un certain temps, car il faut consolider. Il est essentiel de continuer à travailler la marque pour qu’elle soit toujours diffusée dans le monde entier, ce qui demande un travail de terrain considérable. La marque Bellefont Belcier, en revanche, est beaucoup plus jeune dans notre portefeuille. Elle n’a pas encore atteint cette maturité. Nous sommes en pleine construction de la marque avec pour objectif une distribution mondiale. Cela est extrêmement important. Aucune de nos bouteilles n’est vendue en grande surface ; elles sont uniquement proposées chez les cavistes et dans la restauration. La qualité et le succès de la distribution sont cruciaux pour la construction et la diffusion de cette marque. Une fois que la diffusion et les ventes sont assurées, nous maîtrisons notre distribution et les prix. L’objectif des vignobles K est de conserver un esprit familial avec une production à taille humaine. À Bellefont Belcier, nous produisons environ 50 000 bouteilles qui doivent être diffusées dans le plus grand nombre de pays possible, avec un objectif de qualité. Je suis conscient que le marché ne nous attend pas. Bellefont Belcier a été une « belle endormie » pendant de nombreuses années. Notre mission est de réveiller enfin cette propriété, qui est entourée de Premiers Crus et qui n’a rien à envier aux autres domaines en termes de terroir. Nous avons la chance d’avoir des voisins prestigieux comme Larcis Ducasse, Tertre Roteboeuf et même Troplong Mondot. C’est une question de temps, car le vin est un produit de long terme pour atteindre cet objectif. Nous avons la chance d’être dans une bonne dynamique et de bénéficier d’une belle image. Le marché nous fait confiance.

Ce travail se poursuit également à Pomerol avec l’Enclos Tourmaline, un tout petit écrin situé sur le plateau. Nos voisins sont Le Pin et Trotanoy. Nous avons une chance incroyable d’être ici. Pour implanter nos marques et les rendre fortes, il faut une stabilité à la fois en termes de qualité et de distribution. Cela rassure le marché. L’objectif est d’établir Bellefont Belcier et de maintenir le flux d’affaires pour les autres marques. Nous avons, bien sûr, l’ambition de présenter Bellefont Belcier en Premier Grand Cru Classé dans quelques années. Nous avons le terroir pour cela. Aurons-nous l’antériorité ou les prix nécessaires ? Ce sera peut-être plus compliqué. Mais nous l’avons fait pour le passage de Tour Saint Christophe en cru classé, et nous tenterons de faire de même pour Bellefont Belcier.

G : Laquelle de vos réalisations récentes aimeriez-vous faire partager à la clientèle ?

JCM : Nous avons beaucoup investi dans l’œnotourisme, qui représente une part importante de nos activités. Nous accueillons environ 10 000 personnes par an. Ce sont uniquement de petits groupes de 2 à 6 personnes, chacun accompagné d’un guide. Nous ne mélangeons pas les visiteurs. Aujourd’hui, j’ai une équipe d’œnotourisme composée de 6 personnes à temps plein, ce qui est considérable. Cette activité représente 20% de notre chiffre d’affaires, et mon objectif est de l’amener à 30%.

G : Est-ce que c’est votre expérience dans la Napa Valley qui a fait que l’œnotourisme est important pour vous ?

JCM : Oui, bien sûr. Nous avons la même exigence en termes de service. Cette activité permet de vendre du vin à un prix intéressant, car il faut être plus cher par rapport à nos partenaires négociants. Les vins vendus via l’œnotourisme nous permettent de financer cette activité. Cela fait 10 ans que nous avons lancé cette initiative, et je constate que nous créons des milliers d’« ambassadeurs de marque » dans le monde entier. Aujourd’hui, cette activité porte ses fruits et contribue fortement au succès de nos marques à l’export. Il y a même des membres de mon équipe qui se rendent chez des clients privés pour présenter nos domaines de manière conviviale, un peu comme des réunions « Tupperware ». Ces mêmes consommateurs vont ensuite chez les cavistes dans leur pays en demandant : « Avez-vous Bellefont Belcier ? »

G : Sur quels projets futurs travaillez-vous en ce moment ? (Techniques, marketing, ou commerciaux)

JCM : Nous travaillons sur le lancement de deux marques. C’est un travail conséquent en termes de marketing, de distribution et de technique. Nous avons lancé la marque « Right Bank », qui est une compilation de toutes nos appellations : Saint-Émilion, Côtes de Castillon, Lalande-de-Pomerol et Pomerol. Je collabore avec mes partenaires négociants pour assurer une distribution protégée. Nous avons également créé une marque avec la maison Châteauneuf, qui s’appelle Axiome. Il s’agit d’un assemblage composé de 50% de Saint-Émilion et 50% de Châteauneuf, issu de très belles parcelles à La Crau, à Châteauneuf, appartenant à la famille Usseglio, ainsi que de nos meilleures parcelles sur le calcaire de Saint-Émilion. Nous avons conçu un vin qui combine le côté séduisant du Rhône, notamment au niveau du nez, avec une finale droite et austère, au bon sens du terme, typique de Saint-Émilion, qui apporte de l’élégance et de la grâce au vin. Nous le lançons sur le marché avec la même notion de distribution protégée, car la production est limitée à environ 6 000 bouteilles.

G : Pourquoi avez-vous pris la décision d’élargir votre offre avec ces deux vins de marque ?

JCM : Cela nous permet de toucher de nouveaux clients et montre une forme d’ouverture d’esprit. Avec Right Bank, nous présentons un Bordeaux décomplexé, avec une buvabilité extrême. J’y crois beaucoup. Ce sont aussi des Bordeaux que l’on n’a pas besoin de garder pendant 30 ans; ce sont des vins de qualité mais qui offrent un plaisir immédiat. Quant à Axiome, c’est un projet beaucoup plus personnel. J’ai toujours été amoureux de la Vallée du Rhône, et ici à Bordeaux, nous avons une histoire avec cette région. Il y avait donc une forme de logique à assembler les vins de Bordeaux avec ceux du Rhône. Ce fut un pur plaisir de créer ce vin, et les retours du marché et de la presse sont excellents. Cela nous permet aussi de donner une nouvelle image des vignobles K, tout en nous offrant un véritable espace de liberté. Cela permet également à mes équipes techniques de sortir de leur zone de confort. J’ai la chance d’avoir Emmanuelle Fulchi dans mon équipe. Elle a vinifié à Angélus pendant 25 ans. Comme moi, lorsqu’elle se rend à Châteauneuf pour faire des assemblages, elle a les yeux qui brillent. Cette nouvelle marque sert aussi à cela. Right Bank sera proposé à un prix consommateur d’environ 25 €, avec une production visée de 30 000 à 50 000 bouteilles. Axiome sera autour de 70 €, avec un volume beaucoup plus limité.


Le commerce

G : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ? 

JCM : Nous avons une présence bien établie en Amérique du Nord, ce marché représentant environ 25% de nos ventes. La priorité est de maintenir cette position. Je ne souhaite pas dépasser ce pourcentage, car c’est un marché volatile, très dépendant du millésime. Lorsque nous avons un millésime un peu plus compliqué, la demande diminue fortement. Si 15% de ce marché disparaît, ce n’est pas très sécurisant. Paradoxalement, nous sommes très peu présents en Chine, contrairement à ce que beaucoup de gens pourraient penser. Le développement de ce marché est une priorité pour nous. C’est certainement un contexte compliqué en ce moment, mais il est essentiel d’y investir dès maintenant pour préparer l’avenir. La distribution en Chine est en train de gagner en maturité, et c’est le moment de se positionner pour demain. Nous sommes également peu présents sur certains marchés classiques, comme l’Angleterre, où nous devons nous implanter davantage. Nous avons des partenaires qui nous ouvrent des portes sur le marché africain, ce qui est fantastique. Nous devons aussi développer d’autres marchés en Asie, tels que Singapour et le Vietnam, ainsi qu’au Brésil. L’objectif est de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier et de diversifier au maximum nos ventes. L’avantage que nous avons est que nos vins se vendent bien et que nous avons peu de stock. Nous n’exerçons aucune pression sur le marché, ce qui nous permet de commencer doucement avec de nouveaux distributeurs.

G : Votre objectif est de vendre 65 % de votre production en Primeurs chaque année. Comment s’est déroulée la campagne 2023 ?

JCM : Pour la campagne Primeur 2023, nous sommes nettement en dessous de notre objectif. Mais, compte tenu du marché actuel, cela reste une bonne campagne. Pour Tour Saint Christophe, nous avons vendu 55 % de la production, ce qui montre la résilience de la marque dans un contexte difficile. Pour les autres marques, Bellefont Belcier et Tourmaline, nous avons vendu un peu moins de 45 %. Ce n’est pas si mal vu la situation actuelle. C’est positif de voir que nos vins sont présents sur le marché. Les négociants ont pris peu, voire pas de risques cette année, donc les vins achetés sont réellement vendus. Cela reste encourageant malgré un contexte peu favorable.

G :  Vous avez toujours confiance dans le système des Primeurs ?

JCM : Je pense que la crise est conjoncturelle et non structurelle. Nous avons plusieurs marchés qui sont en panne en même temps, ce qui est inédit. Les taux d’intérêt à court terme sont élevés, et une grande partie des négociants et des propriétés comptaient sur ces taux pour financer les stocks. Les taux devraient probablement baisser, peut-être pas à 1%, mais plutôt autour de 3%, ce qui redonnera de l’oxygène au marché et le relancera. Je pense que le marché aux États-Unis redémarrera après les élections. Quand les États-Unis repartent, l’Europe suit généralement.

G : Prévoyez-vous des sorties commerciales ou mises en marché dans un futur proche ?

JCM : Après le temps des Primeurs, nous avons une liste commerciale de vins livrables pour La Place de Bordeaux, qui est 20 % plus chère que les prix des Primeurs. Nous nous y tenons fermement. Nous avons encore un peu de stock de Bellefont Belcier 2021, qui est, à mon avis, extraordinaire. J’aime beaucoup présenter les millésimes 2020 et 2021 à l’aveugle. Souvent, les gens se trompent dans leurs appréciations. J’apprécie particulièrement le 2021, un millésime largement décrié. Pourtant, nous avons réalisé des vins superbes. Les vignes de Bellefont Belcier n’ont pas gelé. Bordeaux a tendance à surcommuniquer sur des millésimes comme 2022, qui est certainement très bon, mais ce n’est pas le millésime du siècle pour moi. Il en va de même quand on ouvre certains 2017, qui peuvent être meilleurs que les 2016. C’est aussi le cas pour 2001 comparé à 2000. Le seul millésime qui a vraiment été compliqué, c’était le 2013. Mais à Bordeaux, la perception est souvent binaire, malheureusement il n’y a plus de juste milieu dans la communication sur nos millésimes.

G : Pourriez-vous dire quelques mots sur le millésime 2024? 

JCM : Nous sommes en viticulture bio sur Tourmaline, Tour Saint Christophe et Bellefont Belcier. L’année dernière, nous avons subi une forte pression de mildiou, mais nous avons bien résisté, avec des rendements tout à fait corrects pour nous, à 40-42 hl/ha. Cette année, la pression du mildiou est encore plus forte. Il a fallu se battre très tôt, dès la sortie des feuilles. Comme nous sommes en bio, il ne faut rien lâcher. Le printemps a été très humide, et il y a eu quelques semaines où nous avons effectué jusqu’à trois traitements.  In fine sur ces trois vins nous avons terminé la saison avec des rendements entre 35 et 40hl/ha. Ce n’est pas glorieux, mais dans le contexte il faut s’en satisfaire. Nous avons opté pour des vendanges tardives lorsque cela était nécessaire pour obtenir la juste maturité, quitte à perdre un peu de volume de production mais assurer un beau potentiel qualitatif.


Le marché Aujourd’hui et Demain

G :  Vignobles K fait partie de La Place de Bordeaux, qui a parfois du mal à trouver le juste milieu, un système de distribution ouvert est-il toujours un avantage pour vous ?

JCM : L’avantage pour la propriété est d’assurer une diffusion maximale du vin dans un maximum de pays en un minimum de temps. Le désavantage survient si la propriété ne contrôle pas les prix et que le négoce ne prend pas une marge cohérente ; dans ce cas, les prix seront cassés sur l’ensemble des marchés. Aujourd’hui, il y a une telle transparence des prix qu’on peut immédiatement voir un prix cassé. Le système de La Place de Bordeaux va perdurer, et il est ultra important, notamment pour des propriétés comme la nôtre, de taille modeste. Nous n’avons aucune excuse de ne pas effectuer des contrôles de prix sur le marché. Nous devons nous assurer que nos négociants prennent leurs marges. Dans notre cas, si toute la filière prend sa marge, le consommateur achète un vin qui est bon, bien noté et qui reste à un prix raisonnable. Aux États-Unis, Bellefont Belcier est vendu autour de  40 $ au détail. Il faut sortir au moins 100$ pour trouver un vin sympa en Napa. Nos vins, comme Tour Saint Christophe, se situent autour de 35 $ au détail, offrant un bon rapport qualité-prix. Et toute la filière en bénéficie financièrement. Nous constatons, et c’est très important pour nous, que les prix montent progressivement. Nous n’avons pas des vins spéculatifs. Nous sommes à des années-lumière des grandes marques de la rive gauche ou de la rive droite. Ce que je remarque, c’est que les professionnels qui ont acheté Tour Saint Christophe 2018 ou 2019 en Primeur ont aujourd’hui des prix de revente qui sont 50 à 60% supérieurs aux prix d’achat en Primeur. C’était donc un achat judicieux.

G : Vous m’avez dit que le propriétaire et le négociant doivent aller sur le marché. Pourriez-vous vous expliquer davantage ?

JCM : Ces dernières années, les négociants et les propriétés se sont reposés sur la puissance des notes de la presse. Cela a bien fonctionné, mais cela marche de moins en moins bien, peut-être à cause du trop grand nombre de notes et de vins. La presse commence à noter des vins en dehors du circuit des Crus Classés, sur des appellations plus modestes qui produisent de très bons vins, comme l’appellation Castillon. Aujourd’hui, les journalistes n’hésitent pas à attribuer des notes équivalentes à celles des Crus Classés. La puissance de ces notes s’estompe; il faut maintenant obtenir des notes au-dessus de 96 pour avoir un impact sur le marché. Il faut revenir aux fondamentaux : prendre notre petite valise, aller chez le client, faire goûter les vins et vendre. Cela s’applique tant au personnel du négoce qu’à la propriété, qui doit être sur le terrain. Évidemment, ce n’est pas facile ; il faut du temps et de l’argent pour le faire. Mais il est crucial de le faire, sinon un marché ouvert, comme La Place de Bordeaux, n’aura plus d’avenir. Il est également important d’arrêter de dire aux consommateurs d’acheter du vin et de le garder pendant 30 ans. Nos vins sont conçus dans cet esprit, mais il faut aussi souligner qu’ils sont buvables dans leur jeunesse et qu’ils offrent du plaisir.

G : Nous constatons un intérêt du marché pour l’arrivée sur La Place, de vins produits hors de Bordeaux ces dernières années. Qu’en pensez-vous de cette tendance ?

JCM : Je sais que les opinions sont très partagées. J’ai beaucoup travaillé en Argentine et un peu en Afrique du Sud. Aujourd’hui, Vignobles K produit également du vin en Italie. L’arrivée de vins hors Bordeaux à Bordeaux n’est pas un problème en soi. La seule difficulté est qu’il y a peut-être trop de vins qui arrivent en même temps, sans nécessairement un appel d’air derrière. Un autre problème est que certains vins arrivent sur La Place dans un « open market », alors qu’ils avaient auparavant des marchés protégés. Cela crée un vrai antagonisme et un risque que le « grey market » se développe pour ces vins. Cependant, je pense que l’arrivée de ces vins est plutôt sain. Pour un négociant, avoir les grands vins du monde dans sa gamme permet d’attirer de nouveaux clients. Il ne faut pas le voir comme une concurrence, sauf si le négociant se détourne des vins de Bordeaux. Du côté des propriétés, on constate aussi que le négoce réalise de meilleures marges avec les vins hors Bordeaux qu’avec ceux de Bordeaux, il faut se poser les bonnes questions.

G :  C’est le comble, non ?

JCM : Oui, c’est pourquoi, il est essentiel de ne pas accepter que les négociants vendent nos vins avec de faibles marges sinon cela n’a aucun intérêt pour eux de vendre des vins comme les miens. C’est la raison pour laquelle je me bats, pour le contrôle des prix sur les marchés. En bref, il est crucial que le pouvoir ne soit pas concentré d’un côté ou de l’autre. Il faut instaurer un équilibre sur La Place de Bordeaux. La situation actuelle pourrait être un mal pour un bien, car elle pourrait nous permettre de repartir sur des bases plus solides. Bordeaux, comme la France en général, a perdu énormément de parts de marché à travers le monde. Lorsque j’ai travaillé en Argentine, nous agissions en groupe sous le nom de « Wines of Argentina », subventionné par l’État. En France et à Bordeaux, il est nécessaire que nous apprenions à mieux nous promouvoir et à collaborer davantage ensemble.


La Bouteille de Cœur de Jean-Christophe Meyrou

G : Si vous aviez une seule bouteille préférée ?

La prochaine que je vais ouvrir… ! Sinon… un Léoville Las Cases 1975 ouvert récemment avec des amis.

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE » davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.