Thibault Chaperon
Directeur Général du Groupe Caisserie Bordelaise
Frédéric Argagnon
Responsable commercial
Neuf producteurs, principalement issus de la Gironde, représentant 90 % de la production française dans ce secteur, se sont réunis au sein de l’association Alliance France Caisse Bois (AFCB). Leur objectif est d’obtenir « un peu de reconnaissance » et de « replacer la caisse en bois, ainsi que ses atouts et ses qualités, au cœur des discussions ». J’ai donc posé quelques questions à Thibault Chaperon, vice-président de l’AFCB et directeur général du groupe Caisserie Bordelaise, qui vous permettront de mieux comprendre comment la caisserie fait face aux défis du marché actuel, quelles sont ses stratégies d’adaptation, et quelles perspectives elle entrevoit pour l’avenir.
L’Alliance France Caisse Bois
Gerda : Pourquoi avez-vous créé l’Alliance France Caisse Bois ?
Thibault Chaperon : Afin de fédérer et de communiquer ensemble. Nous avons à cœur de porter notre filière à la lumière du jour, de montrer que le bois est un produit vertueux, naturel, qui s’inscrit dans un cycle mais qui ne se recycle pas, du moins pas encore. Nous voulons aller plus loin dans le cadre réglementaire, en nous rapprochant des collectivités, de l’État et du CIVB, qui privilégient toujours le carton, afin de faire évoluer le regard sur les caisses en bois. Nous devons défendre notre produit, qui fait partie d’une filière historique, traditionnelle et artisanale. Il a sa place et sa raison d’être. Nous faisons partie de la filière viticole, qui est l’un des fleurons de la France. Il faut la protéger, et nous avons notre rôle à jouer dans ce domaine.
Présentation
G : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés en ce moment ?
TC : Notre principal défi est d’expliquer notre produit, qui reste très traditionnel et artisanal. Nous devons informer sur le processus de production, surtout en tenant compte des préoccupations écologiques de nos clients, comme les châteaux et les négociants. Il y a de nombreuses contrevérités concernant nos produits, alors nous devons valoriser notre savoir-faire et montrer l’aspect écologique de nos caisses en bois. Dans le secteur viticole, deux types d’emballage dominent : le carton, qui représente 98 % du marché, et la caisse en bois, seulement 2%. Nous voulons faire connaître le côté durable de la caisse en bois. C’est un produit à base de matière première renouvelable, puisqu’on utilise des arbres mûrs provenant de forêts gérées durablement. Chaque arbre coupé est remplacé par un nouveau, et nous sommes certifiés par le Programme Européen pour la Gestion Forestière (PEFC). Contrairement au carton, pour lequel on utilise de la pâte à papier, la caisse en bois est moins énergivore et plus respectueuse de l’environnement.
G : Utilisez-vous uniquement des pins de plus de 50 ans ?
TC : La majorité des pins que nous utilisons ont effectivement plus de 50 ans, car il nous faut des pins d’un certain diamètre pour fabriquer les caisses. Nous récoltons des arbres en fin de vie pour préserver la forêt et permettre la régénération de nouveaux pins qui capteront le carbone. Nous utilisons uniquement des bois renouvelables des forêts des Landes, de l’Espagne et du Portugal.
Production & Approvisionnement
G : Est-ce toujours moins coûteux d’importer du bois espagnol ?
TC : L’écart de prix existe toujours, surtout pour les productions plus complexes. En France, les grandes scieries n’ont pas investi dans la niche des caisses en bois, contrairement à l’Espagne, où les scieries sont très réactives et envoient 6 à 7 camions par semaine.
G : Le transport impacte aussi le bilan carbone ?
TC : C’est vrai, mais dans chaque camion, nous transportons jusqu’à 30 000 kits de caisses, ce qui optimise le transport. En France, le calcul du bilan carbone n’inclut pas la captation du carbone par le bois ; et nous restons sur un produit très peu énergivore. La caisse en bois présente de nombreux avantages : elle assure une sécurité pendant le transport, offre une protection contre la lumière et les variations éventuelles des températures et d’humidité. Nous avons vu certains Grands Crus passer au carton, en disant que c’est plus écologique, ce qui n’est pas tout à fait vrai. Le carton est souvent jeté, notamment dans des pays qui ne sont pas encore adaptés au recyclage. Si vous souhaitez un carton haut de gamme, il ne peut pas être recyclé car il contient des produits chimiques.
Perspective Environnementale
G : Comment communiquez-vous sur l’aspect écologique de vos produits ?
TC : La caisse en bois consomme moins d’eau et ne demande pas de ressources alimentaires comme l’amidon, qui sont nécessaire pour le carton. La pâte à papier n’est pas forcément produite en France. Ce sont des éléments qu’il faut prendre en compte. Contrairement au carton dont seulement une partie est recyclée, nos caisses peuvent être valorisées et réutilisées. Pour l’ouverture de la saison d’opéra, en tant que mécènes, nous avons placé 1500 caisses sur la place devant le théâtre pour en faire des assises. Au début, la mairie nous a dit : « Comment allons-nous les récupérer ? » Je leur ai répondu : « Vous verrez, en une minute, chacun prendra sa caisse pour la rapporter chez lui. Qui n’a jamais pris une caisse pour l’utiliser comme rangement ? » Il y a quelques années, un sondage a montré qu’environ 35 % des caisses en bois sont réutilisées. C’est ce qu’on appelle la revalorisation. Nous souhaitons mettre en avant l’idée du recyclable en parallèle avec celle du valorisable.
Défis du Marché
G : Votre principal défi est donc la communication face aux exigences RSE ?
TC : Oui, c’est un enjeu important. Par ailleurs, il est essentiel de suivre nos clients historiques tout en innovant pour leur proposer de nouveaux produits, des marquages uniques, et des solutions économiques malgré les augmentations de coûts. Nous avons dû augmenter nos prix de 45%, suite à la période post-covid, mais nous proposons désormais des caisses plus fines pour alléger la charge financière.
Innovation & Perspectives Futures
G : Travaillez-vous sur de nouveaux produits ? Par exemple, la caisse bordelaise traditionnelle qui est clouée, est difficile à ouvrir.
TC : Oui, nous proposons plusieurs options d’ouverture, mais la robustesse est importante pour protéger les bouteilles. Nous avons travaillé sur plus de 2 500 formats différents, car chaque château veut personnaliser sa caisse, avec des choix de bois, de marquage, et même de gravures. Cependant, les prix peuvent monter vite pour des commandes spécifiques, et cela limite parfois nos possibilités d’ajout de valeur.
G : Selon l’AFCB, le chiffre d’affaires de la filière baisse de 20%. Quelles sont vos prévisions ?
TC : Nous sommes étroitement liés au marché viticole et espérons un redressement. Nous travaillons aussi avec des clients pour leur offrir de nouveaux produits et les accompagnons au maximum dans leur développement de projets malgré un contexte économique défavorable. Notre entreprise est vieille de 100 ans, et nous restons confiants malgré la crise actuelle, car un marché de niche peut vite rebondir.
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