Marie-Hélène Faurie
Directrice Commerciale et Adjointe d’Henri Lurton
Château Brane-Cantenac
2ème Grand Cru Classé
MARGAUX
Présentation
Gerda : Peux-tu nous parler en quelques mots de ta personnalité et du début de ta carrière ici à Bordeaux ?
Marie-Hélène Faurie : Je n’avais aucune vocation à travailler dans le vin, mais je me suis découverte une passion pour ce métier en chemin. Mon père, médecin, m’a transmis une qualité essentielle : l’écoute. C’est un atout précieux pour comprendre nos problématiques commerciales, mais aussi pour fédérer nos équipes dans un environnement exigeant. Je suis quelqu’un de discret, une qualité qui m’a souvent aidée à écouter et à m’adapter. Bien sûr, dans notre métier, il faut parfois savoir se mettre en avant, mais je crois que cette discrétion me permet d’agir avec une vision plus collective. L’ego peut être utile dans cet univers, mais il ne m’a jamais dominée. Je l’utilise comme un levier, sans qu’il prenne le dessus. Dans un monde où tout va vite, ces qualités me semblent essentielles pour avancer durablement.
G : Cela correspond bien à Brane-Cantenac, qui, pour moi, est un vin splendide dans toute sa discrétion. En plus c’est beau, surtout dans le monde d’aujourd’hui, où l’on a parfois l’impression qu’il faut crier le plus fort pour se faire entendre.
MHF : Oui, c’est tout à fait vrai. Quand j’ai commencé ma carrière ici à Bordeaux, le vin a été une véritable révélation pour moi. Par un heureux hasard, j’ai fait mes débuts au Château Latour, où le directeur de l’époque, un Écossais, m’a immédiatement fait confiance. Il cherchait une commerciale pour développer les ventes, de préférence quelqu’un qui parlait anglais, une compétence encore peu courante à l’époque. Ayant passé quelques années à Londres, j’ai pu répondre à cette attente. Je me souviens encore de ma première dégustation avec lui, à 9 heures du matin, face à 25 échantillons de Latour. Sur le moment, je ne réalisais pas pleinement l’expérience exceptionnelle que je vivais, mais cela a été un moment clé, et j’ai énormément appris. J’ai également eu la chance de croiser une autre personnalité marquante : un des plus grands courtiers de la Place, qui avait fondé sa propre société de négoce. Lui aussi m’a accordé sa confiance, mais dans un registre différent : celui de la compréhension et de l’analyse des dynamiques du marché. Visionnaire, il m’a énormément transmis et ouvert des perspectives insoupçonnées.
G : Quels sont les principaux défis auxquels tu es confrontée dans la pratique de ton métier ?
MHF : Nous faisons face à de nombreux défis, qu’ils soient macroéconomiques, politiques, sociaux ou liés à la Place de Bordeaux, actuellement fragilisée. Parallèlement, la consommation de vin évolue : elle diminue globalement, notamment chez les jeunes, mais devient plus qualitative chez les grands amateurs. Sur le plan de la production, le changement climatique reste un défi majeur. Bien que je ne sois pas directement impliquée, ces questions sont régulièrement abordées en équipe, sous la direction d’Henri Lurton et de Christophe Capdeville, directeur de l’exploitation.
À Brane-Cantenac, nous savons nous adapter, en mêlant innovation et retour à des pratiques de bon sens comme l’agroforesterie, le travail des sols, etc. Ces ajustements, tant dans les vignes qu’au chai, demandent rigueur et investissement humain. Notre nouveau chai d’élevage illustre cette quête d’excellence : il associe tradition et modernité pour sublimer nos vins avec une précision accrue, un élevage encore plus précis.
Le Commerce
G: Quels sont vos principaux marchés ?
MHF : Brane-Cantenac reste une marque française. Il est essentiel d’être fort sur son marché national, où les amateurs sont fidèles et curieux, avec un lien privilégié au vin. Ils possèdent souvent du Brane dans leur cave, et nous les encourageons à déguster des vins plus jeunes que leurs parents. Nos marchés suisses et britanniques sont historiques et en progression, tout comme l’Europe du Nord, où les monopoles restent des partenaires clés. Ensemble, ces marchés représentent entre 50 et 60 % de notre production. Aux États-Unis, la croissance est forte depuis une quinzaine d’années. Les Américains, très attachés aux notes des journalistes et aux millésimes “brillants”, manquent parfois de confiance en leurs propres goûts. Cependant, le canal de la restauration y progresse bien, malgré leur coefficient multiplicateur élevé qui limitent l’accès aux grands vins, vite trop chers sur les cartes des vins. Nous espérons que davantage de restaurateurs adopteront une politique tarifaire plus juste pour encourager la rotation des vins. Tout le monde y gagnerait ! En Chine, Brane n’a jamais été perçue comme une étiquette incontournable, sur un marché dominé par les très grandes étiquettes. Avec le recul, cela s’avère presque un avantage, car ce marché est aujourd’hui en difficulté. Nous continuons de le travailler avec des spécialistes de ces marchés.
En revanche, l’Asie du Sud-Est, malgré des marchés modestes individuellement (Vietnam, Philippines, Malaisie, Indonésie, Singapour, Thaïlande), ont bien progressé. Corée et Japon restent des marchés clés pour nous.
G : Quelles sont vos priorités en termes de développement commercial ?
MHF : Notre priorité est de consolider nos marchés existants, notamment en Europe. Nous avons récemment recruté Benjamin Fraysse, un jeune homme de 38 ans, qui a une expérience solide dans le vin et une bonne connaissance de la distribution. Il apporte un regard neuf, très connecté aux attentes des jeunes consommateurs. Son dynamisme et ses idées fraîches viennent enrichir l’équipe. Cela nous permet aussi encore plus d’aller à la rencontre des consommateurs à l’échelle mondiale et de soutenir la notoriété de Brane. Merci à Henri Lurton, qui, malgré la conjoncture difficile, ne cesse d’innover et de maintenir une vision à long terme pour la propriété. Cela nous permet de rester solidement ancrés dans notre démarche, même face aux défis. Sur les marchés stratégiques comme les Etats- Unis et l’Asie, nous misons sur des expériences haut de gamme, telles que des dîners exclusifs ou des collaborations avec des sommeliers prestigieux. Nous continuerons à développer des marchés, plus récents pour nous, comme l’Afrique et l’Amérique Latine.
G : À Brane-Cantenac, vous accueillez également des visiteurs ?
MHF : Oui, c’est également un axe majeur, mais nous ne faisons pas d’œnotourisme au sens classique. Plutôt que des visites de masse, nous privilégions des expériences sur mesure, uniquement sur rendez-vous. Lorsqu’un consommateur ouvre une bouteille, il recherche une émotion, et c’est ce que nous souhaitons offrir sur place. Nous avons la chance d’avoir Laetitia, une pédagogue passionnée avec beaucoup de cordes à son arc dont une formation technique sur les vins. Elle personnalise chaque visite en fonction des attentes et contribue à développer notre activité B to C. Elle tisse aussi des liens précieux avec les sommeliers bordelais, renforçant notre présence sur les cartes des vins locales.
G : Penses-tu qu’il y a une différence entre une propriété gérée par une famille ou par une institution ?
MHF : Oui, il y a des différences, mais elles ne sont pas si tranchées. Une propriété familiale doit aussi répondre à des impératifs financiers, car c’est le nerf de la guerre pour assurer sa pérennité. Cela dit, une gestion familiale offre souvent une vision plus personnelle et à long terme. À Brane, par exemple, le style de vin reflète l’histoire et les valeurs de la famille, qui reste fidèle à ses convictions tout en s’adaptant aux défis du marché. Dans un grand groupe, la rotation des équipes ou des dirigeants peut parfois imposer une stratégie plus pragmatique, axée sur la rentabilité immédiate. Les deux approches ont leurs forces, mais elles s’expriment différemment.
G : Comment s’est déroulée la campagne Primeurs 2023 ?
MHF : La campagne Primeurs est toujours une étape clé pour mettre en lumière nos vins et notre savoir-faire. Cette année, nous savions dès le départ que ce ne serait pas simple, mais les ajustements nécessaires ont été plus marqués que prévu. Nous avons pris le temps d’écouter le marché et, grâce à cela, nous avons réussi à vendre notre récolte, ce qui reste une satisfaction. Cela dit, il faut nuancer : nos négociants, pourtant très fidèles, n’ont pas réussi à écouler tous leurs stocks, ce qui diffère du succès fulgurant de 2022, où la demande était exceptionnelle. Cette année, malgré un excellent millésime, les circonstances étaient complexes, entre tensions économiques et géopolitiques. Le succès d’une campagne dépend de nombreux facteurs : la demande, le millésime, le contexte économique et nous restons attentifs pour trouver le juste équilibre chaque année. En fin de compte, la réussite de nos partenaires est indissociable de la nôtre.
G : Le 6 décembre, j’ai assisté à la dégustation des lots du millésime 2024. Pourquoi Brane-Cantenac y a-t-il participé ?
MHF : Nous avons immédiatement soutenu l’initiative de François-Xavier Maroteaux, qui a eu une réaction juste face aux critiques prématurées sur le millésime 2024, annoncé comme “mort-né”. Il fallait prouver par les faits que 2024 n’est pas comparable à des millésimes faibles, notamment 2013 comme on pouvait entendre. L’événement s’est organisé rapidement, avec un nombre limité de châteaux, principalement des propriétés familiales, prêtes à relever ce défi technique. Sélectionner des lots en décembre, si tôt dans l’élevage, était une première pour nous. Mais c’était nécessaire pour répondre au besoin de pédagogie et rassurer nos partenaires. La dégustation a été un succès. Nos équipes techniques ont fait un travail remarquable. Henri Lurton et Christophe Capdeville étaient présents apportant des explications détaillées sur chaque lot. J’ai aussi été impressionnée par l’engagement des commerciaux présents, curieux d’en savoir plus sur les différences entre les cépages, posant des tas de questions. C’était un moment d’échange précieux pour défendre ce millésime.
G : J’ai adoré participer à cette dégustation et j’ai dégusté un lot de cabernet franc de Brane-Cantenac issu de votre plateau terrasse 4. Il était excellent, et comme Christophe me l’a expliqué, le cabernet franc est un cépage assez capricieux. Mais quand il atteint ce niveau de qualité, c’est un très bon signe que le millésime 2024 ne sera pas mauvais du tout.
MHF : Exactement ! Le cabernet franc est un cépage exigeant, mais quand il atteint un tel niveau, il apporte une belle complexité. En 2024, le cabernet sauvignon sera également remarquable à Brane, avec cette densité et cette profondeur qui définissent notre style. Et même si nous avons été agréablement surpris par la qualité aromatique de nos merlots, ce sont bien les cabernets qui marqueront ce millésime.
G : Tu m’as dit une fois que Robert Parker n’a jamais vraiment compris Brane-Cantenac. Que penses-tu du système des notes aujourd’hui ?
MHF : Aujourd’hui, de nombreux journalistes et critiques évaluent nos vins, et il n’y a plus une figure dominante comme l’était Robert Parker. Certains, plus influents, génèrent plus de buzz. Nous sommes ouverts à tous ceux qui veulent déguster nos vins, et il y a désormais un vrai dialogue avec les journalistes, ce qui n’était pas le cas avec Parker, qui n’est pas revenu à Brane entre 1985 et 2009, et il a pris sa retraite en 2014 ! La pluralité des opinions est intéressante, mais peut diluer le message. Pour le consommateur, il est important de ne pas se limiter aux notes, et de faire confiance à son fournisseur, caviste ou autre.
G : Tu es très souvent en contact avec les clients, les sommeliers et les consommateurs finaux. Est-ce que les notes restent importantes pour eux ?
MHF : Les notes restent importantes, surtout pour nos partenaires et négociants, car elles influencent encore fortement les achats. Cependant, aujourd’hui, seules les notes très élevées, à partir de 98, font vraiment la différence. Cela a conduit à une certaine dilution de leur impact, et cela oblige à aller au-delà du simple chiffre pour apprécier pleinement un vin. Les commentaires des journalistes, souvent très poétiques et riches en sensibilité, apportent une vraie valeur ajoutée et permettent de mieux comprendre le vin. Madeleine Lurton, la fille d’Henri, a récemment rejoint l’équipe pour superviser le marketing et la communication. Cela marque une évolution importante pour Brane-Cantenac, en ligne avec l’arrivée de la 5e génération. Cette année, marque les 100 ans de la famille Lurton à la propriété, symbole de la transmission réussie d’un patrimoine familial au XXIe siècle.
La Distribution Aujourd’hui & Demain
G: Comment juges-tu la situation actuelle du marché ?
MHF : Je me souviens qu’au début de ma carrière, milieu des années 90, après quelques années difficiles, un négociant m’avait dit : « Bordeaux entre dans une nouvelle ère ». Il avait raison, mais cette période faste a été suivie par une nouvelle crise. Il y en a eu d’autres. Le marché bordelais est cyclique, et aujourd’hui, nous traversons un creux particulièrement sévère, comparable aux années 70 selon certains anciens, que je n’ai pas connue. Cela dit, j’ai confiance en Bordeaux. Cette crise est importante, mais elle est aussi une opportunité pour nous adapter et faire preuve d’agilité. Les marchés, comme la Chine ou les États-Unis, évolueront, et c’est à nous de nous ajuster. Les habitudes de consommation changent, le climat change, et il y a des défis économiques à relever. Mais il y aura un “après”, et nous saurons nous réinventer pour y faire face.
G : Oui, tout est arrivé vite et en même temps. C’est pour être plus agile que tu as recruté Benjamin Fraysse dans ton équipe ? C’est aussi un engagement important de la part de Henri Lurton.
MHF : Oui, c’est essentiel. En période de crise, il est tentant de se replier, mais il faut au contraire continuer à avancer, de façon réfléchie et le plus sereinement possible. C’est en restant concentré et créatif qu’on trouve les opportunités, même dans les moments difficiles.
G : Comment pouvons-nous captiver la nouvelle génération pour nos vins ?
MHF : La nouvelle génération est curieuse, et nous devons l’attirer vers le vin. Peut-être par les blancs, bio ou naturels, des vins plus accessibles, frais et fruités. Hier encore, des jeunes ont goûté un Brane-Cantenac 2020 et ont dit vouloir le boire ce soir. Le monde va vite, et nous devons suivre ce rythme sans perdre l’âme de Brane-Cantenac, qui conserve son potentiel de garde. Mais pour transmettre cela, il faut aller à leur rencontre, ouvrir des bouteilles et raconter l’histoire des millésimes, anciens comme récents. On peut nous reprocher le bilan CO2 des voyages, mais dans le vin, aller sur le terrain est essentiel. Heureusement, nous accueillons aussi de plus en plus de visiteurs à la propriété. Bordeaux a su se moderniser avec un niveau d’accueil remarquable et une offre diversifiée. La région reste compétitive, même pour les vins non classés. Il y a des trésors dans toutes les gammes de prix. Mais ces histoires, il faut les raconter. L’offre mondiale est immense, mais Bordeaux a tout pour rester fier : travailler, expliquer, et aller à la rencontre des gens. Lorsque j’ai débuté, une minorité de propriété le faisait.
G : C’est dans ce sens que ton métier a beaucoup changé ?
MHF : Oui, mon métier a beaucoup changé. Autrefois, la propriété confiait tout aux négociants : production d’un côté, distribution de l’autre. Aujourd’hui, tout est différent. Le négociant reste clé pour la distribution, mais les propriétés ont dû s’approprier leur image, leur communication, et leur marketing. Le marketing n’a jamais été le cœur de métier des négociants, et ils n’ont plus le temps de s’y consacrer. Aux propriétés, donc, de prendre cette responsabilité, mais aussi de veiller à la qualité de la distribution et d’orienter leurs vins vers les marchés qu’elles ciblent. Cela demande de dépasser parfois une certaine méfiance dans la relation propriété-négociant. La confiance est cruciale. Certes, les intérêts divergent : l’acheteur veut payer moins, la propriété veut vendre mieux. Mais en travaillant intelligemment, on peut trouver des terrains d’entente et avancer ensemble.
G : Peux-tu développer un peu sur la relation entre vous, les propriétés, et nous, les négociants de la Place de Bordeaux ?
MHF : La relation entre propriétés et négociants est complexe. Les propriétés ont une histoire et un attachement profond à leur terre, ce qui leur donne une noblesse unique. Mais cet ancrage, parfois, peut les rendre trop confiantes ou déconnectées de certaines réalités du marché. De leur côté, les négociants, qui sont au cœur du commerce, possèdent une expertise précieuse et une vision très pragmatique. Cependant, il peut arriver qu’ils sous-estiment la valeur des efforts et des investissements colossaux nécessaires à la production de grands vins. Nous devons dépasser ces incompréhensions et renforcer la confiance. Cela passe par davantage de dialogues directs et d’écoute mutuelle. Les propriétés doivent mieux appréhender les enjeux du négoce, tout comme les négociants doivent reconnaître la passion et les sacrifices qui sous-tendent notre travail. En avançant ensemble, avec plus de transparence et de respect, nous pouvons trouver un équilibre. C’est essentiel pour préserver la richesse et la diversité de Bordeaux, qui font sa grandeur.
G : Restes-tu confiante dans la Place de Bordeaux ?
MHF : Absolument. C’est un outil fabuleux, unique au monde, et extraordinaire quand tout fonctionne bien. Ce système libéral doit rester tel qu’il est. S’intéresser à la distribution, comme nous le faisons, ne signifie pas empiéter ou être ingérant. C’est simplement indispensable de s’y impliquer. La Place a une capacité remarquable à réagir vite et à recycler les vins sur les marchés grâce à des solutions souvent efficaces et bien rodées. C’est sa grande force. Mais aujourd’hui, cette réactivité est allée trop loin. Les marchés sont saturés de prix discountés, ce qui porte un grave préjudice à l’image de nos vins et à leur valeur perçue. J’ai confiance dans ce système, mais il faudra réfléchir ensemble à mieux canaliser ces dynamiques, car ces offres à prix discountés fragilisent tout l’écosystème.
G : C’est peut-être aussi dû au fait que c’est un système très concurrentiel. Vous travaillez avec combien de négociants ?
MHF : Nous travaillons avec 70 négociants, ce qui, dans le contexte actuel et dans un marché ultra concurrentiel, peut sembler trop. Le marché a évolué, et nous devons repenser notre manière de collaborer. L’idée est de s’adapter à la réalité du marché et peut-être de réduire le nombre de partenaires avec lesquels nous travaillons.
G : Nous constatons un intérêt croissant du marché pour l’arrivée de vins hors de Bordeaux sur La Place ces dernières années. Que penses-tu de cette tendance ?
MHF : Ayant moi-même un passé de négociante, je comprends cette évolution. Il est naturel, dans ce métier, de chercher à augmenter ses marges, à développer son chiffre d’affaires et à faire grandir son équipe. Cela dit, il est important de ne pas perdre de vue l’identité de La Place et ce qui a fait sa force : son savoir-faire unique et son image de référence qui reste les propriétés bordelaises.
G : Oui, c’est aussi en phase avec les tendances du marché. Un amateur de vin souhaite aujourd’hui savourer un Brane-Cantenac, demain un grand vin italien, et le lendemain un grand cru de la Napa Valley.
MHF : Les négociants bordelais ne voulaient pas laisser cette opportunité aux Anglais, et c’est une évolution qu’il ne faut pas ignorer. Cependant, Bordeaux a une organisation spécifique qu’il est essentiel de préserver. Là où je suis plus critique, c’est concernant les courtiers assermentés, qui selon moi n’ont pas à intervenir dans la vente de vins étrangers. Les négociants bordelais sont tout à fait capables de gérer cela eux-mêmes. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre des vins étrangers. Les courtiers pourraient plutôt jouer un rôle en nous aidant à comprendre leur fonctionnement et à mieux situer nos vins dans ce paysage mondial. Aujourd’hui, nous devrions être capables de positionner un Brane-Cantenac non seulement par rapport aux autres grands crus de Bordeaux, mais aussi face à ces grandes étiquettes internationales.
G : Comment vois-tu le rôle du courtier aujourd’hui ?
MHF : Là aussi, une remise en question est nécessaire. Les courtiers doivent, plus que jamais, s’intéresser davantage à notre métier. Historiquement, ils étaient présents dans nos campagnes, goûtaient les vins et participaient même aux assemblages. Certains passent encore pendant les vendanges ou à différentes étapes de la production, mais cela devrait être plus fréquent. La proximité avec les courtiers doit s’accentuer, tant au niveau de la production qu’au niveau de la distribution. Ce sont nos interlocuteurs privilégiés entre nous et les négociants. Nous n’avons pas le temps de discuter avec tous les négociants, et vous n’avez pas le temps de parler avec tous les châteaux. Le courtier est là pour assurer ce relais. Il est fondamental qu’il le fasse avec précision et justesse. Aujourd’hui, il existe même différents métiers dans le courtage. Il y a celui que je vous ai expliqué, et puis il y a des courtiers – qui, d’ailleurs, excellent dans leur domaine – qui restent une grande partie de leur temps derrière leurs écrans et se consacrent principalement au trading. La Place de Bordeaux est magique pour cela. C’est un endroit où on peut trouver à un moment donné des régulations entre l’offre et la demande. Nous, de notre côté, privilégierons des courtiers qui sont les plus proches de nous. Ceux qui comprennent où nous voulons aller, perçoivent le potentiel de Brane et nous accompagnent dans notre vision.
G : Vous êtes membre de l’Union des Grands Crus ?
MHF : Oui, Henri pense qu’il est essentiel de jouer collectif. En période de crise, des choix seront nécessaires, mais notre engagement envers l’Union des Grands Crus demeure fort. Nous continuerons à investir, recruter et produire des vins de grande qualité, tout en respectant certaines restrictions budgétaires. Notre participation aux événements de l’UGC sera plus sélective, mais cet outil reste crucial pour la communication de Bordeaux et pour préserver l’esprit de collaboration.
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G : Je suis passée à Brane-Cantenac en début de vendanges. Comment s’est passée la fin des vendanges
MHF : Les vendanges se sont très bien déroulées. Elles ont duré trois semaines, avec une météo globalement clémente. Nous avons eu la chance d’avoir une équipe de vendangeurs excellente, et l’ambiance était très positive. Pierre, notre chef de culture, et Thierry, son chef d’équipe, ont géré cela parfaitement. Florent, notre maître de chai, a également été très réactif, en s’assurant que tout se passe dans les meilleures conditions. Quant à Christophe Capdeville, notre directeur technique, il a supervisé avec brio son 34ᵉ millésime à Brane-Cantenac cette année.
G : Oui, Henri et lui forment un binôme parfait. Ils restent toujours calmes, très concentrés, et on sent une vraie sérénité entre les deux.
MHF : Effectivement, Henri et Christophe forment un duo très complémentaire. Ils se connaissent parfaitement et se comprennent rapidement, ce qui leur permet de travailler de manière très efficace et sereine. Cette relation de confiance facilite grandement la gestion du domaine et c’est un régal de travailler avec eux.
Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE« davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.