Inside La Place – Regards Croisés par Gerda avec Colin Hay sur les Vignobles Vauthier

Venez déguster les vins d’Ausone sur notre stand 

à Wine Paris – Hall 7.1 – E001

du 10 au 12 février 2025

🎧Nous vous proposons l’Inside en fichier audio🎧


Nous avons organisé notre deuxième session de « Regards Croisés » autour des magnifiques vins des Vignobles Vauthier, en présence d’Édouard Vauthier (co-propriétaire), d’Antoine Gimbert (Directeur Commercial), de Colin Hay (professeur à Sciences Po Paris et auteur spécialisé en vin pour The Drinks Business), et de l’équipe commerciale de Roland Coiffe.

Dans l’article Inside du 17 mai 2023, Inside La Place : L’ascension vers Château Ausone… 5 pépites de la famille Vauthier , Édouard a expliqué : « Les Châteaux Simard, Fonbel et Haut-Simard appartiennent à l’appellation Village, le Château Moulin-Saint-Georges et La Clotte sont des Premiers Crus, et le Château Ausone est un Grand Cru. J’aime cette comparaison avec la Bourgogne, car nous incarnons l’esprit d’une famille de propriétaires qui savent fabriquer du vin eux-mêmes, sans suivre les tendances !  « Nous cherchons à offrir une gamme de vins pour tous les consommateurs, avec une véritable identité et un savoir-faire familial authentique qui dure depuis 11 générations. Nous devons mettre en valeur la complexité captivante de nos sept crus. »

Quant à Colin Hay, j’apprécie beaucoup nos échanges. Il est non seulement un critique de vin ayant une grande connaissance des vins de Bordeaux, mais aussi un analyste perspicace de l’économie de la Place de Bordeaux. Lors de cette conversation, il a judicieusement remarqué : « Bordeaux possède tous les ingrédients pour réussir, même dans des conditions de marché difficiles. »

Dans l’article Inside du 18 août 2022, Inside La Place : Un message dans une bouteille, Colin a déclaré :« Je veux comprendre plus que critiquer. Je ne me considère pas comme un critique, mais plutôt comme un commentateur et correspondant. Mon rôle est de comprendre et de partager cette compréhension avec mes lecteurs. J’essaie de discuter autant que possible avec les propriétaires, les vignerons et les consultants pour mieux appréhender leurs vins. »

Ce “Regards Croisés” avec Colin Hay sera publié en deux parties : la première se concentrera sur notre échange concernant les vins dégustés, tandis que la seconde partie explorera nos réflexions sur les perspectives actuelles et futures du marché du vin de Bordeaux.


Permettez-moi d’abord de vous emmener dans une exploration des subtilités des vins Vauthier…

Les Points Forts de la Dégustation

  • Château Fonbel 2019 : Élégant et délicat, avec une belle luminosité. L’assemblage avec 10% de cabernet sauvignon et 5% de carmenère apporte complexité et tension.
  • Château Haut-Simard 2016 : Un vin plus fluide et élancé, avec 35% de cabernet franc apportant des notes florales et épicées.
  • Château Moulin Saint-Georges 2020 : Considéré comme la révélation de la dégustation. “Il a de la légèreté, de la vivacité, de l’énergie et une luminosité cristalline presque stupéfiante”, selon Colin Hay.
  • Château La Clotte 2019 : Un vin équilibré et harmonieux, avec une belle structure calcaire. “Il ne peut venir d’un autre endroit que celui-ci”, note Colin Hay.
  • Chapelle d’Ausone 2011 : Un millésime qui commence à s’assouplir, montrant l’évolution positive des vins Vauthier.
  • Château Ausone 2010 : Le point culminant de la dégustation. Un vin exceptionnel et vivant, évoluant constamment dans le verre. “C’est un vin magnifiquement guidé en douceur, même s’il y a beaucoup de tannins”, décrit Colin Hay.

Gerda : Quelle est votre impression générale sur les vins des Vignobles Vauthier ? Pensez-vous qu’il existe un style “Vauthier” ?

Colin Hay : Oui, je pense qu’il existe un style Vauthier, car ce style est aussi une forme d’hommage au terroir de Saint-Émilion et à sa diversité. En fait, lorsque nous avons dégusté les 6 vins, avec Ausone en dernier, nous avons gravi les pentes, depuis le bas des Côtes jusqu’au plateau de Saint-Émilion. Nous avons constaté que les terroirs évoluent. Je dirai que le style Vauthier consiste à exprimer le terroir dans le contexte du millésime. Le terroir est spécifique au millésime. À mesure que nous montons vers le sommet avec Ausone et La Clotte, la proportion de calcaire augmente, ce qui accentue la forme et la structure des tanins. Le style Vauthier, c’est le respect du terroir. Cela reflète également le travail dans les vignes pour exprimer le fruit de la manière la plus pure lorsqu’il arrive au chai.

G : Le premier vin que nous avons dégusté a été Fonbel 2019. Qu’en pensez-vous ?

CH : J’ai beaucoup aimé, en fait. Je pense que Fonbel est parfois moins spontanément associé aux Vauthier, mais ce sont des vins fabuleux. Pour moi, ce vin exprime vraiment le millésime.

G : Je le trouve séduisant.

CH : Oui, il est délicieusement élégant, d’une certaine manière délicat, mais il a une luminosité, une clarté cristalline. On retrouve cela dans certains autres vins également. C’est un peu une signature, renforcée par le millésime 2019, qui est un millésime un peu plus délicat. C’est un vin très harmonieux. Je l’ai adoré : il offre une douceur épicée au milieu de bouche que j’ai vraiment appréciée, avec une petite touche de gravité, un soupçon de cèdre lorsque vous inspirez profondément. Il est « al dente » avec juste une petite trace de tanins en finale. Il est parfait à boire dès maintenant.

G : Il y a une petite touche de cabernet sauvignon, 10 %, dans ce vin, et Édouard croit fermement en ce cépage à Fonbel. Êtes-vous d’accord avec lui ?

CH : Oui, particulièrement parce qu’il y a aussi 5 % de carmenère dans ce vin. Je pense qu’en quelque sorte, le cabernet sauvignon associé au carmenère produit presque quelque chose qui ressemble un peu au cabernet franc. J’ai une note de grains de poivre, et cette typicité pourrait venir soit du cabernet sauvignon, soit du carmenère, en fait, ou bien de la combinaison des deux. La forme du vin est merlot, mais il y a beaucoup d’intérêt qui vient de la combinaison de tous les cépages. Il y a une tension entre eux.

G : Nous sommes gâtés par Édouard, qui nous laisse déguster de grands millésimes. Parmi la trilogie 2018, 2019 et 2020, avez-vous une préférence pour l’un de ces millésimes ?

CH : Oui, ma préférence va sans hésiter au 2020. Il est tout simplement sublime. Il a tout ce que l’on recherche ici, en particulier chez les Vauthier. Il a une certaine luminosité, une clarté et un caractère cristallin, que l’on retrouve aussi dans le 2019, comme je l’ai dit auparavant, mais il possède plus de densité, plus de concentration, avec plus de couches, plus de complexité et une meilleure capacité de vieillissement. Je pense que 2020 est pour moi le sommet de cette trilogie.

À Saint-Émilion, les millésimes 2018, ce qui ne concernent pas nécessairement les vins Vauthier, mais il arrive que ceux-ci soient parfois un peu trop denses pour moi. Il est très difficile de maintenir la fraîcheur dans ces vins. Il y a un grand article dans lequel je compare 120 Saint-Émilion (https://www.thedrinksbusiness.com/2021/03/bordeaux-2018-vintage-report-saint-emilion/). La fraîcheur, on la trouve sur le plateau avec les terroirs calcaires. Cependant, 2018 est probablement le millésime que je préfère le moins. Le millésime 2019, je l’aime bien et j’aime assez la façon dont les critiques internationaux semblent l’aimer aussi car, d’une certaine façon, c’est un millésime assez subtil. 2019 est apprécié de tous, mais n’est pas tout à fait au niveau de 2020 pour moi.

G : Le vin suivant des Vignobles Vauthier que nous avons dégusté était le Haut Simard 2016, qui est aussi un millésime exceptionnel à Bordeaux. Que pensez-vous de ce vin qui contient 35 % de cabernet franc dans son assemblage ?

CH : J’ai toujours aimé le Haut Simard. Il est très différent du Fonbel à bien des égards, qui est plus ample, plus épicé et plus sucré. Il n’a pas autant de notes de poivre du Sichuan. Ici, on retrouve des épices plus traditionnelles. Cela dit, il évolue vraiment en bouche. À l’entrée, et au fur et à mesure de son ouverture, il est très Merlot. Mais avec un peu plus d’aération, les 35 % de Cabernet Franc commencent à se dévoiler. Je perçois des notes fraîches de réglisse, et il y a aussi une délicate touche florale qui est vraiment agréable. Il est très expressif aromatiquement et on s’attend à un vin plus ample en bouche qu’il ne l’est en réalité. Il a une sorte de retenue naturelle, un peu domptée par ses tannins. J’aime beaucoup cela. L’effet est de le rendre plus élégant et plus fin en bouche que ce à quoi on pourrait s’attendre.

G : Oui, en effet. Le vin a un beau bouquet et on s’attend à quelque chose de plus ample et de plus structuré en bouche, mais en réalité, il est assez vertical, tout comme la finale.

CH : Oui, je suis tout à fait d’accord avec cela. Il n’a pas la densité sur le milieu de bouche comme certains des autres vins que nous avons dégustés. Mais il a un charme et une finesse que j’ai vraiment appréciés. Et franchement, un vin, quel que soit son origine, avec 35 % de cabernet franc, je l’apprécierai presque toujours !

G : Pensez-vous qu’il faudrait planter plus de cabernet franc à Bordeaux ?

CH : Je pense que lorsque cela est possible, c’est une bonne chose à faire. Il y a plus de Cabernet Franc aujourd’hui et il y en aura encore plus à l’avenir et c’est une bonne chose, surtout avec le changement climatique mondial sur des terroirs comme Haut-Simard. Mais ce n’est pas une panacée et il faut le planter au bon endroit. Ce n’est pas un substitut au Merlot.

Et si j’aime voir du cabernet franc dans un assemblage, c’est l’équilibre que nous recherchons. Une petite quantité peut avoir un grand impact. Dans le Haut Simard 2016, l’assemblage de 65 % de merlot et de 35 % de cabernet franc me semble correct. Le merlot apporte une certaine amplitude, mais ce n’est pas le plus grand vin en bouche et je pense qu’avec moins de merlot, nous aurons un vin plus svelte. Le millésime 2016 offre un équilibre remarquable, avec une belle harmonie entre les deux cépages.

G : Il y a une très forte densité de plantation à Haut Simard, certaines parcelles à 12 600 pieds par hectare. Édouard nous a dit cela, car il y a beaucoup d’eau à certains endroits.

CH : Oui, et je pense que la forte densité de plantation aidera à l’avenir car le système racinaire est très profond et il trouvera l’eau dont il aura besoin.

G : Certains Grands Crus Classés, et même un des Premiers Crus, envisagent de réduire la densité de plantation.

CH : Oui, mais je pense que c’est une question de terroir. Il n’y a pas de solutions générales. Les terroirs sont assez différents dans le Médoc, et donc les implications du changement climatique sont un peu différentes en ce qui concerne le stress hydrique et surtout la manière de le gérer. C’est le même type de réflexion qui produit des formes d’adaptation différentes selon les terroirs.

G : Pensez-vous que 2016 soit l’un des meilleurs millésimes jamais produits à Bordeaux ?

CH : Sans aucun doute, oui. 2016 est proche de la perfection pour moi ! Je suis un grand fan de 2016 quand il s’agit de comparer 2015 à 2016. Pour moi, 2016 et 2010 vont ensemble dans un sens parce qu’ils sont légèrement plus austères, un peu plus lents à évoluer que 2009 et 2015, en particulier 2015, qui est un millésime très ensoleillé. J’aime que les millésimes bordelais soient classiques, un peu plus sérieux, un peu plus introvertis en quelque sorte. 2016 et 2010 sont tous deux des coups de cœur.

G : Le vin suivant était le Moulin Saint-Georges 2020, qui était merveilleux.CH : Je ne pense pas avoir jamais dégusté un Moulin Saint-Georges que j’ai autant aimé que celui-ci (bien que j’aie récemment goûté l’exquis 2010 et que je le recommande vivement aussi). J’ai jeté un coup d’œil à mes notes de dégustation en primeurs pour le 2020. À l’époque, il s’est vraiment démarqué et a été une véritable révélation pour moi. Il nous rappelle, je pense, deux choses importantes : d’une part, la qualité de ce terroir et, d’autre part, le fait que nous avons eu tendance à sous-estimer et à sous-apprécier ce vin.

G : Oui, on n’en parle pas assez. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous organisons ces sessions de Regards Croisés : mettre également en lumière quelques perles cachées.

CH : C’est une propriété que j’ai toujours aimée et le redéguster aujourd’hui me rappelle le moment où je l’ai achetée pour la première fois. C’était toujours un vin de la Wine Society en Grande-Bretagne, un peu un secret d’initié, et il m’a toujours semblé d’un très bon rapport qualité-prix. Il provient d’un grand terroir, il est très bien fait et pourtant il n’est jamais très cher. C’était vrai à l’époque et ça l’est encore aujourd’hui. C’est une sorte de géant endormi – un vin fantastiquement bien fait avec un rapport qualité/prix exceptionnel, en particulier en 2020. Ce vin possède tout ce que l’on peut attendre de lui et même plus. Il est dense et concentré. Il a de l’allure, de la vivacité et de l’énergie. Il est d’une grâce envoûtante et d’une clarté lumineuse presque surprenante. Il m’enthousiasme au plus haut point. Il présente également une belle minéralité calcaire. Nous avons remonté la vallée et nous arrivons à des endroits où l’on trouve de plus en plus de calcaire. Cela se ressent dans la structure même de ce vin.

G : Tous les vins étaient excellents, mais ce vin m’a le plus surpris.

CH : Oui, en partie grâce au millésime 2020, je pense. 2020 est un millésime spécial. Le connaisseur sait qu’au Moulin Saint Georges, les Vauthier font de grands vins, mais le millésime joue un rôle clé ici aussi. Il dépasse toutes les attentes.

G : Maintenant, le domaine que la famille a acheté en 2014, La Clotte 2019.

CH : C’est un autre vin qui fait battre le cœur et, encore une fois, il n’est pas aussi connu qu’il le mérite.

G : Cela pourrait-il être dû au fait que le domaine est assez petit, avec seulement 4 hectares au total et seulement 2,4 hectares actuellement en production ?

CH : Eh bien, il suffit de consulter une carte ! Si vous savez ce que c’est, où cela se trouve, vous savez immédiatement la qualité du terroir, et surtout, si vous goûtez le vin sur plusieurs millésimes, vous ne pouvez pas manquer de remarquer que c’est un vin exceptionnel. Il mérite d’être un vin iconique de Saint-Émilion. Mais c’est un nom que même certains vrais amateurs de Saint-Émilion ne connaissent pas encore assez. Ils finiront par le connaître. Parce qu’il ne fait aucun doute qu’il continuera à recevoir d’excellentes notes de dégustation et des scores élevés de la part des critiques. Il est merveilleusement fait et il provient d’un grand terroir. C’est également exactement le type de terroir que j’aime le plus. C’est une combinaison d’argile et de calcaire. L’argile apporte une certaine puissance. Il y a une densité au milieu du palais qui est impressionnante, mais elle est hyper-structurée par ces tanins de calcaire, presque crayeux. Cela donne au vin une précision et une identité singulière en bouche, qui s’harmonise parfaitement avec la densité. Le millésime 2019 contient 10 % de cabernet sauvignon et 5 % de cabernet franc ; cette proportion augmente dans le vignoble. Nous avons une jolie floralité et cette signature de salinité calcaire. Cela contribue à la structure du vin ainsi qu’à la sapidité juteuse et à la salinité en finale, offrant également une grande longueur. Vous savez exactement où vous êtes avec un vin comme celui-ci. Il ne peut venir d’un autre endroit. J’adore ça. Ce n’est pas un vin qui a trop de tout. Il s’agit simplement d’un équilibre et d’une harmonie parfaits.

G : Oui, je suis d’accord. À aucun moment le vin ne franchit la limite.

CH :  Cela est aussi lié au millésime. Le 2019 ne pousse pas ce vin trop loin du tout. J’ai un souvenir précieux de la dégustation du 2015, qui est un millésime différent. C’est un millésime plus « ensoleillé », comme disent les Français. Mais même là, le calcaire le tempère. Il donne au vin structure et fraîcheur. Mais je préfère ce millésime aussi. Probablement aussi parce que la famille Vauthier possède le vignoble depuis un peu plus longtemps. Ils y ont imprimé davantage leur style et leurs choix, tandis qu’en 2015 c’était encore leur début. Le 2019 est un millésime qui fait briller ce type de terroir.

G : Je pense que cela est aussi lié à la politique de la famille. Ils n’ont jamais suivi de « mode » et ne vont jamais trop loin dans le processus de vinification.

CH : Oui, dans le millésime 2019, vous pouvez aussi voir comment le vin commence à évoluer. Il y a une belle note de graphite et un peu de cèdre qui apparaissent avec l’aération, et cela fait ressortir davantage les éléments de cabernet franc et de cabernet sauvignon. Dans le verre vide, il y a même un petit indice de truffe. Le vin est aromatiquement très équilibré et très beau. Le 2019 évolue un peu plus vite que le 2016 ou le 2020. J’aimerais beaucoup le redéguster dans quelques années ; il commence juste à atteindre un point d’équilibre parfait!

G : Le vin est aussi élevé en 100 % de fût neuf. À Vinitech, j’ai eu une excellente conversation avec Magdelaine Allaume, directrice générale de Seguin Moreau. Elle disait qu’il y a aujourd’hui presque une perception négative des vins élevés en 100 % de fût neuf.

CH :  C’est vrai, mais il ne faut pas sous-estimer le « régime de torréfaction » des fûts. Dans le cas de La Clotte, même si c’est du chêne neuf à 100 %, le degré de torréfaction est très léger. La Clotte était un vin qui était beaucoup plus marqué par l’usage de fûts neufs par le passé. Pour moi, c’était un peu trop. Mais ici, l’utilisation délicate du chêne neuf accentue réellement les notes florales. Au milieu du palais et, surtout, avec un peu d’aération en bouche, il y a une sorte de floralité de pétale de rose qui est subtile et magnifique. Le petit indice de chêne met encore plus en valeur cela. Donc, oui, si vous dégustiez ce vin à l’aveugle, vous ne diriez pas qu’il a été élevé en chêne neuf à 100 %. En particulier pour un millésime comme le 2019. Mais quand vous savez que c’est le cas, vous réalisez que le chêne est là pour une micro-oxygénation. Cela aide le vin à exprimer ses caractéristiques de terroir.

G : Nous avons carafé le vin deux heures avant la dégustation. Il est délicieux à boire maintenant, mais il peut aussi vieillir encore de nombreuses années selon moi. Qu’en pensez-vous ?

CH : Oui, absolument. Cette petite touche de truffe et de graphite qui se transforme en une pointe de cèdre laisse entrevoir ce qui sera révélé avec davantage de vieillissement. Pour moi, ce vin a un potentiel de vieillissement fabuleux pendant 30 à 40 ans.

G : Si longtemps ?

CH : Oui, absolument. Mais c’est une question de goût. Je ne dis pas que le vin doit être conservé aussi longtemps, ni même qu’il deviendra nécessairement meilleur pendant cette période. En fait, j’aime plutôt le vin tel qu’il est maintenant. Mais c’est aussi un vin que je veux voir évoluer, en le dégustant de manière intermittente, pour observer surtout le développement de son profil aromatique. La structure restera, je pense, très intense et très intacte.

G : Nous revenons maintenant 8 ans en arrière, avec La Chapelle d’Ausone 2011. Ce millésime a été pour moi l’une des dégustations En Primeur les plus difficiles de ma carrière à cause de la structure tannique des vins. Ce 2011 La Chapelle était également pour moi très bon, mais peut-être un peu plus « vieux » dans le style.

CH : J’ai exactement le même avis que vous. Le style ici est lié au caractère du millésime. Même avec le deuxième vin d’Ausone, nous avons un vin qui vient seulement récemment et lentement de commencer à s’adoucir. C’est vraiment une caractéristique de 2011. En tant que millésime, dès les premières dégustations en primeur, c’était un monstre tannique, brutal, comme un bloc de béton, tant dans le Médoc qu’à Pomerol et Saint-Émilion. Maintenant, finalement, ces tanins commencent à se résoudre. Ce que nous avons ici est très intéressant en bouche. Il est assez souple, tendre et luxueux dès l’attaque, mais au milieu du palais, et de plus en plus vers la finale, ces tanins de 2011 commencent à se manifester et à se déployer, nous rappelant le millésime qui les a formés. Ils ont encore du chemin à faire pour se résoudre complètement. C’est presque comme voir un bloc de calcaire être sculpté en une belle sculpture en temps réel ! La tête et les épaules de la statue sont déjà magnifiquement formées, mais la poitrine reste encore piégée dans le roc non taillé. On voit bien la direction que prend le vin, mais il n’est pas encore terminé. Cela dit, c’est et sera une très belle expression de La Chapelle. Je l’aime énormément sur le plan aromatique. Il a une sorte de floralité bulbeuse. Comme un bulbe de pivoine, avec tout le potentiel de la fleur encore contenu à l’intérieur. On a l’impression que nous en sommes encore à un stade précoce. Vous avez aussi des cerises noires typiques d’Ausone. C’est un grand vin, et c’est fascinant de le goûter à ce stade. Mais il mérite d’être conservé encore un peu plus longtemps.

G : Nous avons conclu avec un Ausone 2010 exceptionnel. Pour moi, une définition d’un vin exceptionnel est un vin qui est vivant et qui évolue constamment dans le verre.

CH : Oui, en effet, c’est fabuleux et le point culminant de cette dégustation. Il y a toutes sortes de choses à dire à son sujet. Et, comme vous le dites, tout ce que vous pourriez être tenté de dire à son sujet maintenant, vous devrez peut-être le réviser une demi-heure ou une heure plus tard ! Le vin a été carafé deux heures avant la dégustation, mais il s’ouvre énormément dans le verre aussi. Il y a 55 % de cabernet franc, ce qui est assez représentatif d’Ausone. Le vin a une densité et une intensité incroyables. Il a un milieu de bouche très compact et très sphérique. C’est un vin merveilleusement souple et séduisant. Même s’il y a beaucoup de tanins, ils sont déjà très finement résolus, exsudant de la finesse et avec le plus délicat des grains fins. Il n’y a pas d’angularité, mais une grande adhérence et beaucoup de texture tactile. L’autre chose qui est très agréable ici et qui est aussi très « Ausone », c’est ce sens de tension entre l’amplitude que le vin veut prendre, s’étendant vers les joues, et les tanins structurants qui ramènent le fruit à la colonne vertébrale. Cela augmente l’impression de densité et nous rappelle le terroir calcaire. Car ce sont uniquement les tanins calcaires qui peuvent sculpter un vin de cette manière. Ce que j’aime aussi, c’est que les tanins sont si fins qu’ils donnent une certaine transparence au milieu de bouche, comme une piscine plongeante. Cela me semble magnifiquement scintillant en bouche, absolument superbe et très spécial. Il continuera à évoluer pendant des décennies. L’autre chose que j’aime beaucoup ici, qui est aussi liée au terroir calcaire, c’est cette petite pincée de tanins juste vers la fin. L’effet est de rassembler le fruit, créant une petite vague de fraîcheur sapide qui soutient le vin jusqu’à l’horizon lointain, avec une petite touche saline qui apporte une complexité supplémentaire.

G : Dans l’interview que nous avons eue il y a 3 ans, vous avez dit : « un vin parfait me procure presque une sensation émotionnelle ». Est-ce également le cas avec cet Ausone 2010 ?

CH : Oh oui, absolument ! Émotionnellement et physiquement, j’ai des frissons partout ! Vous êtes en présence de quelque chose de rare et d’exceptionnel pour un amateur de vin comme moi. Ce n’est pas tant ce qu’il est, mais ce que cela fait ressentir dans votre bouche. C’est toujours un privilège de vivre la grandeur et ma réaction face à cette grandeur devient de plus en plus émotionnelle.


En résumé : Le Style Vauthier 

 

Colin Hay souligne qu’il existe un style Vauthier distinctif, caractérisé par :

  • Le respect et l’expression du terroir de Saint-Émilion
  • Une progression des vins reflétant les différents terroirs, des côtes au plateau calcaire
  • Une pureté du fruit et une structure tannique raffinée
  • Une luminosité et une clarté cristalline dans les vins

Colin Hay résume : “Le style Vauthier consiste à exprimer le terroir dans le contexte du millésime”.

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE«  davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.