Inside La Place – « Boucher le vin est le dernier acte œnologique »

Secrets de Caves  

DIAM

François Margot

Directeur Commercial et Marketing


Situation Actuelle 

Gerda : Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés sur le marché du bouchage ?

François Margot : Comme vous pouvez l’imaginer, le marché du bouchage est très lié au marché du vin. Nous sommes présents dans 86 pays, ce qui nous donne une vision assez globale. J’ai démarré chez Diam il y a plus de 20 ans, et pour la première fois, nous faisons face à un défi véritablement mondial : une baisse de la consommation de vin sur presque tous les marchés, combinée à des effets logistiques résiduels de l’après Covid encore assez sensibles. Ce marché baissier est accompagné d’un changement des modes de consommation très influencé par des préoccupations croissantes de santé et d’environnement. Depuis la crise du Covid, nous avons dû nous adapter à des marchés très changeants, avec des variations beaucoup plus rapides qu’auparavant. Il est essentiel dans ce contexte d’organiser nos entreprises pour répondre avec agilité, car il est extrêmement difficile d’essayer d’anticiper des changements. La vitesse à laquelle évoluent la communication et les tendances s’accélère, et nous devons rendre nos structures plus réactives et adaptables. Cela passe à la fois par l’évolution des organisations, des compétences en interne et par une capacité d’innovation accrue. Chez Diam, l’innovation est au cœur de notre ADN,et c’est grâce à notre esprit pionnier que nous faisons face depuis le début aux défis du marché. Notre marque est née d’une innovation de rupture au début des années 2000 qui a permis de résoudre la grande hétérogénéité liée au bouchon de liège tubé et proposer au marché un bouchon de liège homogène, tant sur le plan gustatif que structurel, garantissant une absence de gout de bouchon et une évolution identique du vin de bouteille à bouteille.

G: Ce nouveau bouchon a-t-il été immédiatement adopté par le marché ?

FM : Sur certains marchés, oui, notamment là où les vins sont plus sensibles à l’oxydation, là ou l’hétérogénéité des bouchons en liège tubé se remarque très rapidement après embouteillage sur l’évolution aromatique des vins. Je parle de la Bourgogne, de l’Alsace ou de la Champagne par exemple. Diam a été adopté immédiatement car il répondait à un besoin urgent. Dix ans plus tard, en 2013-2014, Diam a de nouveau révolutionné le marché en proposant, grâce à sa maitrise des échanges gazeux, des bouchons avec différentes perméabilités. Nous avons ainsi apporté à nos clients un véritable choix œnologique. Selon la durée de garde en bouteille, certains vins nécessitent très peu d’oxygène, tandis que d’autres ont besoin d’un apport plus important. Tout dépend de la manière dont le vigneron a élaboré son vin et de l’évolution qu’il souhaite lui donner. Ce fut une avancée majeure, car nous sommes convaincus que les producteurs doivent pouvoir maitriser l’évolution aromatique et l’identité de leur vin dans le temps, même après la mise en bouteille. Nous pouvons aujourd’hui accompagner cette démarche en proposant des solutions de bouchage adaptées, qui deviennent de véritables outils œnologiques. C’est ainsi que nous envisageons le marché du vin d’aujourd’hui, et encore plus celui de demain.

G: Comment vous positionnez-vous face à la concurrence, notamment par rapport aux bouchons en liège traditionnel, synthétiques et bouchon à vise ?

FM : La répartition des solutions de bouchage a beaucoup évolué ces dix dernières années. Nous avons observé une forte progression de la capsule à vis dans certains pays. À l’inverse, les bouchons synthétiques, qui étaient très à la mode il y a une décennie, connaissent aujourd’hui un net recul. Grâce à notre volonté de parler de plus en plus œnologie et outil œnologique avec nos clients, nous nous positionnons clairement comme partenaire dans la maitrise de l’évolution des vins depuis la mise jusqu’au consommateur. Durant cette période, Diam a notamment travaillé sur les aspects environnementaux avec dès 2007 un premier calcul de l’empreinte carbone qui s’est poursuivi par des projets ambitieux de réduction des impacts. Nous avons travaillé à plusieurs niveaux : au niveau de la forêt avec par exemple la remise en production de forêts françaises abandonnées, ou encore la plantation de nouvelles surfaces en Espagne. Nous avons également travaillé sur la maitrise de nos consommations d’énergie et sur leur origine renouvelable. Un parc solaire de plus de 20 ha est par exemple en cours de construction sur notre site espagnol. Enfin nous avons lancé il y a quelques années une solution Diam entièrement biosourcée. Le marché est en quête de solutions naturelles et durables, et il est essentiel d’écouter nos clients. Cette gamme, baptisée Origine by Diam, s’inscrit pleinement dans cette démarche.

G: Quelle est l’origine du liège que vous utilisez ?

FM : Le liège est une ressource naturelle issue de l’écorce d’un type particulier de chêne. Il existe de nombreuses variétés de chênes dans le monde, mais un seul produit cette écorce. Pour la récolter, il n’est pas nécessaire d’abattre l’arbre : on peut l’extraire tous les neuf ans sur un chêne-liège, qui peut vivre jusqu’à 250 ans. La forêt est un modèle économique complexe, car lorsqu’on plante un chêne-liège, la première récolte n’intervient qu’au bout de 25 à 30 ans. Ce n’est donc pas un investissement particulièrement « attractif » à court ou moyen terme. Pourtant, nous investissons de plus en plus dans la plantation de chênes-lièges afin de préserver cette ressource sur le long terme.

G : Le liège reste une ressource naturelle. Comment intégrez-vous le développement durable dans votre chaîne de production ?

FM : La préservation des forêts de chênes-lièges est essentielle. D’une part, cela garantit la pérennité de la ressource pour les années à venir. D’autre part, ces forêts constituent de véritables puits de carbone : un chêne-liège, avec sa longévité de 250 ans, absorbe et stocke une grande quantité de CO₂, ce qui confère à ces forêts un bilan carbone très négatif. Environ 85 % de la production mondiale de liège provient d’Espagne et du Portugal, mais il en existe également dans tout le bassin méditerranéen. En France, nous avons réhabilité des forêts et même créé une appellation « Liège de France », regroupant des lièges issus de Corse, du Roussillon et même de Provence. Cette initiative rencontre un franc succès, car de plus en plus de clients sont sensibles à l’origine locale de leurs bouchons.


Innovation

G: Travaillez-vous sur des solutions d’économie circulaire pour recycler ou réutiliser vos bouchons ?

FM : Le liège est un matériau très facilement recyclable. Il peut être utilisé, par exemple, pour la fabrication d’isolants ou de panneaux décoratifs. Toutefois, le principal défi reste la collecte, qui n’est aujourd’hui pas suffisamment efficace. Des initiatives existent un peu partout dans le monde, mais à l’échelle macro-économique, elles restent trop limitées et difficilement viables. Nous n’avons pas encore trouvé de solution efficace pour le recycler à grande échelle. C’est une problématique sur laquelle nous devons continuer à travailler.


Perspectives Futures

G: Avez-vous des projets pour développer d’autres solutions de fermeture en dehors des bouchons en liège ?

FM : Notre métier c’est le liège depuis plus de 20 ans, nous n’avons pas l’intention de changer et nous proposerons quelques innovations qui verront le jour d’ici un à deux ans, toujours dans l’optique d’offrir aux œnologues des outils supplémentaires pour façonner le vin selon leur vision et leurs attentes.

G: Est-ce que l’esthétique de l’ouverture de la bouteille joue un rôle ?

FM : Cela dépend des cultures et des marchés. Certains producteurs conçoivent leur vin pour être consommé dans le mois qui suit, tandis que d’autres l’élaborent pour une dégustation dans 30 ans. En France, le bouchon à vis ne correspond pas à l’image traditionnelle du vin haut de gamme. En revanche, en Nouvelle-Zélande et en Australie, il a été adopté rapidement et massivement; Aujourd’hui, nous constatons que certains producteurs reviennent au liège, parfois pour des raisons œnologiques, parfois pour des raisons marketing et d’image. Sans juger la qualité, il existe une différence d’évolution du vin entre un bouchon à vis et un bouchon Diam. Le mois dernier, nous avons mené des dégustations avec des producteurs australiens et néo-zélandais, et nous avons de nouveau constaté ces différences, c’est un choix que le producteur doit faire. Je reste persuadé que le pop traditionnel du bouchon en liège qui sort de la bouteille fait partie intégrante du plaisir de la dégustation d’un grand vin.

G : Quand les habitudes de fermeture des bouteilles ont-elles connu leur plus grand changement ? »

FM : Il y a 10 ans !! quand nous avons pu produire des bouchons avec des perméabilités différentes. Boucher le vin avec du liège tubé revenait à essayer de maitriser un risque et une variabilité. C’est devenu un acte œnologique au moment où nous avons pu à la fois garantir l’homogénéité du bouchage et donner aux viticulteurs un véritable choix. C’est devenu un geste clé.

G: Diam fait partie d’un très gros groupe.

FM : Diam fait partie du groupe Oeneo, qui regroupe également la tonnellerie Seguin Moreau, Vivelys (l’inventeur de la micro-oxygénation). La famille Hériard Dubreuil (propriétaire de Rémy Cointreau) en est l’actionnaire majoritaire. Nous restons une entreprise à dimension familiale, même si le groupe est coté en bourse. Cet aspect familial est très important pour la vision à long terme et la stabilité du groupe. Je travaille chez Diam depuis 20 ans et je suis toujours passionné par ce que nous faisons. C’est une question de vision et du temps que nous nous donnons pour innover. Même si, dans le marché actuel il faut accélérer ce processus, car tout va très vite, je pense que nous sommes à la fois suffisamment grands pour investir dans des innovations de rupture et encore assez petits pour être réactifs et agiles. C’est un challenge quotidien de trouver cet équilibre. Il y a environ 1 000 personnes qui travaillent dans le groupe, dont 700 dans le bouchage. Le département R&D compte 15 personnes réparties sur nos trois sites de production : France, Espagne et Portugal. Un des axes de développement est aussi le monde du spiritueux. Nous fabriquons des bouchons à tête utilisés pour des alcools haut de gamme. La partie en liège est produite chez Diam depuis 20 ans, mais récemment, et là encore en écoutant nos clients, nous avons lancé une gamme appelée Setop Element.

Nous récupérons les résidus de production de nos clients distillateurs. Par exemple, après la distillation d’un whisky, il reste des « drêches ». Nous les récupérons, les traitons, les remoulons et nous en faisons la tête de leurs bouchons. C’est un projet passionnant, qui a donné un nouveau souffle au monde des bouchons à tête, un secteur qui n’avait pas beaucoup évolué depuis 20 ans et qui reposait principalement sur le bois et le plastique. Continuons à innover !!!

 

Gerda BEZIADE a une incroyable passion pour le vin, et possède une parfaite connaissance de Bordeaux acquise au sein de prestigieux négoces depuis 25 ans. Gerda rejoint Roland Coiffe & Associés afin de vous apporter avec « Inside La PLACE«  davantage d’informations sur les propriétés que nous commercialisons.